Tractatus logico-philosophicus (français): Difference between revisions

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'''5.451''' Si la logique a des concepts fondamentaux, ils doivent être mutuellement indépendants. Si un concept fondamental est introduit, il doit être introduit dans toutes les connexions dans lesquelles il peut apparaître. On ne peut donc l'introduire d'abord pour l'''une'' d'elles, puis de nouveau pour une autre. Par exemple, si la négation est introduite, nous devons alors la comprendre dans des propositions de la forme « ~p » aussi bien que dans « ~(p ∨ q) », « (∃x) . ~fx », etc. Nous n'avons pas le droit de l'introduire d'abord pour une classe de cas, puis pour les autres, car il demeurerait alors douteux si sa signification dans les deux cas est la même, et l'on ne disposerait d' aucune raison d'user dans les deux cas du même mode de connexion des signes.
'''5.451''' Si la logique a des concepts fondamentaux, ils doivent être mutuellement indépendants. Si un concept fondamental est introduit, il doit être introduit dans toutes les connexions dans lesquelles il peut apparaître. On ne peut donc l'introduire d'abord pour l'''une'' d'elles, puis de nouveau pour une autre. Par exemple, si la négation est introduite, nous devons alors la comprendre dans des propositions de la forme « ~p » aussi bien que dans « ~(p ∨ q) », « (∃x) . ~fx », etc. Nous n'avons pas le droit de l'introduire d'abord pour une classe de cas, puis pour les autres, car il demeurerait alors douteux si sa signification dans les deux cas est la même, et l'on ne disposerait d' aucune raison d'user dans les deux cas du même mode de connexion des signes.


(En bref, pour l'introduction de signes primitifs, vaut ''mutatis mutandis'' ce que dit Frege (''Lois fondamentales de l'arithmétique'') de l'introduction des signes au moyen de définitions<ref>''Grundgesetze'', I. § 63.; II. § 58., 67. En particulier une définition doit être « complète »; elle doit permettre de donner un sens à l'application du concept à un objet, même si cette application est fausse.
(En bref, pour l'introduction de signes primitifs, vaut ''mutatis mutandis'' ce que dit Frege (''Lois fondamentales de l'arithmétique'') de l'introduction des signes au moyen de définitions<ref>''Grundgesetze'', I. § 63.; II. § 58., 67. En particulier une définition doit être « complète »; elle doit permettre de donner un sens à l'application du concept à un objet, même si cette application est fausse.


</ref>.)<references />
</ref>.)
 
'''5.452''' L'introduction d'un expédient nouveau dans le symbolisme logique est nécessairement un événement lourd de conséquences. Aucun expédient nouveau ne devrait en logique être introduit, pour ainsi dire, avec des airs innocents, comme parenthèse ou comme note.
 
(C'est ainsi que dans les ''Principia Mathematica'' de Russell et Whitehead des définitions et des lois fondamentales sont données en mots ordinaires. Pourquoi ce soudain usage de mots? Ceci appellerait une justification, qui manque, et doit manquer, car cette façon de procéder est en fait inadmissible.)
 
Mais si l'introduction d'un nouvel expédient en un certain endroit se révèle indispensable, on doit aussitôt se demander : où cet expédient doit-il être maintenant constamment appliqué? Sa place en logique doit désormais être expliquée.
 
'''5.453''' Tout nombre, en logique, doit être justifié.
 
Ou plutôt, il doit ressortir qu'en logique il n'y a pas de nombres.
 
Il n'y a pas de nombres distingués.
 
'''5.454''' En logique, il ne peut y avoir de coordination ni de classification.
 
En logique, il ne peut y avoir un plus général et un plus spécifique.
 
'''5.4541''' Les solutions des problèmes logiques doivent être simples, car elles établissent les normes de la simplicité.
 
Les hommes ont toujours soupçonné qu'il devait y avoir un domaine de questions dont les réponses seraient – a priori – symétriquement réunies dans une construction close et régulière.
 
Un domaine où vaut la proposition : ''Simplex sigillum veri''.
 
'''5.46''' Si l'on introduisait correctement les signes logiques, on aurait du même coup déjà introduit le sens de toutes leurs combinaisons; donc, non seulement « p ∨ q », mais encore « ~(p ∨ ~q) », etc., etc. On aurait introduit déjà du même coup l'effet de toutes les seules combinaisons possibles de parenthèses. Et il serait par là devenu clair que les authentiques signes primitifs généraux ne sont pas « p ∨ q », « (∃x) . fx », etc., mais plutôt la forme la plus générale de leurs combinaisons.
 
'''5.461''' Significative est la circonstance apparemment sans importance de l'exigence de parenthèses pour les pseudo-relations logiques, comme ∨ et ⊃, contrairement aux relations réelles.
 
L'usage des parenthèses avec ces pseudo-signes primitifs suggère déjà que ce ne sont pas réellement les signes primitifs. Et il ne viendra certes à l'esprit de personne de croire que les parenthèses ont une signification autonome.
 
'''5.4611''' Les signes des opérations logiques sont des signes de ponctuation.
 
'''5.47''' Il est clair que ce qui peut simplement être dit par avance de la forme de toutes les propositions, doit pouvoir se dire ''en une seule fois''.
 
Toutes les opérations logiques sont déjà contenues dans les propositions élémentaires. Car « fa » dit la même chose que : « (∃fx) . fx . x = a ».
 
Là où il y a composition, il y a argument et fonction, et avec eux sont présentes toutes les constantes logiques.
 
On pourrait dire que la constante logique unique est ce que toutes les propositions, de par leur nature, ont en commun.
 
Mais cela, c'est la forme générale de la proposition.
 
'''5.471''' La forme générale de la proposition est l'essence de la proposition.
 
'''5.4711''' Poser l'essence de la proposition, c'est poser l'essence de toute description, par conséquent l'essence du monde.
 
'''5.472''' La description de la forme la plus générale de la proposition, c'est la description du seul et unique signe primitif général de la logique.
 
'''5.473''' La logique doit prendre soin d'elle-même.
 
Si un signe est ''possible'', il est aussi capable de dénoter. En logique, tout ce qui est possible est aussi permis. (« Socrate est identique » ne veut rien dire parce qu'il n'y a aucune propriété appelée « identique ». La proposition est dépourvue de sens, parce que nous n'avons pas effectué une détermination arbitraire, mais non pas parce que le symbole serait illégitime en soi et par soi.)
 
En un certain sens, nous ne pouvons nous tromper en logique.
 
'''5.4731''' Si, de l'évidence dont Russell a tant parlé, on peut en logique se dispenser, c'est seulement parce que la langue empêche elle-même toute faute logique. Le caractère a priori de la logique consiste dans l'''impossibilité'' de rien penser d'illogique.
 
'''5.4732''' Nous ne pouvons donner à un signe un sens incorrect.
 
'''5.47321''' La devise d'Occam n'est naturellement pas une règle arbitraire, ou justifiée par son succès pratique: elle déclare que les unités ''non nécessaires'' d'un système de signes n'ont aucune signification.
 
Des signes qui ont ''un'' seul et même but sont logiquement équivalents, des signes qui n'ont ''aucun'' but sont logiquement sans signification.
 
'''5.4733''' Frege dit : toute proposition construite selon les règles doit avoir un sens; et je dis : toute proposition possible est construite selon les règles, et si elle n'a pas de sens, ce ne peut être que parce que l'on n'a pas donné de ''signification'' à certains de ses éléments.
 
(Même si nous croyons l'avoir fait.)
 
Ainsi « Socrate est identique » ne dit rien, parce que le mot « identique » n'a pas reçu de signification en tant qu'''adjectif''. Car lorsqu'il intervient comme signe d'égalité il symbolise de toute autre manière – sa relation de dénotation est autre –, de sorte que dans les deux cas le symbole est tout à fait différent; les deux symboles n'ont en commun que le signe, accidentellement.
 
'''5.474''' Le nombre des opérations fondamentales nécessaires ne dépend ''que'' de notre notation.
 
'''5.475''' Il s'agit seulement de construire un système de signes ayant un nombre déterminé de dimensions – d'une multiplicité mathématique déterminée.
 
'''5.476''' Il est clair qu'il n'est pas question ici d'un ''certain nombre de concepts fondamentaux'' qui doivent être dénotés, mais de l'expression d'une règle.
 
'''5.5''' Chaque fonction de vérité est le résultat d'applications successives de l'opération: (– – – – – V) (ξ,....) à des propositions élémentaires.
 
Cette opération nie l'ensemble des propositions comprises dans les parenthèses de droite, et je la nomme négation de ces propositions.
 
'''5.501''' Une expression entre parenthèses, dont les membres sont des propositions dont l'ordre est arbitraire, je la note par un signe de la forme « <math>( \bar{\xi} )</math> ». « ξ » est une variable dont les valeurs sont les membres de l'expression entre parenthèses; et la barre au-dessus de la variable note que celle-ci représente l'ensemble de ses valeurs dans les parenthèses.
 
(Si par exemple ξ a les trois valeurs P,Q,R :
 
<math>( \bar{\xi} )</math> = (P,Q,R).)
 
Les valeurs des variables sont fixées. On les fixe en décrivant les propositions dont la variable tient lieu.
 
Le mode de description des membres de l'expression entre parenthèses n'est pas essentiel.
 
Nous pouvons distinguer trois espèces de description: 1. L'énumération directe. En ce cas, nous pouvons, au lieu de la variable, poser simplement ses valeurs constantes. 2. La donnée d'une fonction fx, dont les valeurs pour toutes les valeurs de x sont les propositions à décrire. 3. La donnée d'une loi formelle, selon laquelle ces propositions sont construites. En ce cas, les membres de l'expression entre parenthèses sont l'ensemble des membres d'une série de formes.
 
'''5.502''' J'écris donc, au lieu de « (– – – – – V) (ξ,....) », « <math>N ( \bar{\xi} )</math> ».
 
<math>N ( \bar{\xi} )</math> est la négation de l'ensemble des valeurs de la variable propositionnelle ξ.
 
'''5.503''' Puisqu'il est patent que l'on peut aisément exprimer comment, au moyen de cette opération, des propositions peuvent être construites et comment des propositions ne le peuvent pas, ceci doit donc pouvoir trouver une expression exacte.
 
'''5.51''' Si ξ n'a qu'une seule valeur, <math>N ( \bar{\xi} )</math> = ~p (non p); si elle en a deux, <math>N ( \bar{\xi} )</math> = ~p . ~q (ni p, ni q).
 
'''5.511''' Comment la logique, qui embrasse toute chose et reflète le monde, peut-elle avoir recours à des manipulations et à des instruments si particuliers? Simplement parce qu'ils se relient tous dans un réseau infiniment fin, dans le grand miroir.
 
'''5.512''' « ~p » est vraie si « p » est fausse. Par conséquent, dans la proposition vraie « ~p », « p » est une proposition fausse. Comment le trait « ~ » peut-il la rendre conforme à la réalité? Ce qui nie dans « ~p » ce n'est pas le « ~ », mais ce qui est commun à tous les signes de cette notation qui nient p.
 
<nowiki>Et par conséquent la règle commune selon laquelle sont construits « ~ p», « ~~~p », « ~p ∨ ~p », « ~p . ~p », etc. (</nowiki>''ad inf''.). Et ce qui est commun est le reflet répété de la négation.
 
'''5.513''' On pourrait dire : ce qui est commun à tous les symboles qui affirment à la fois p et q, c'est la proposition « p . q ». Ce qui est commun à tous les symboles qui affirment p ou q, c'est la proposition « p ∨ q ».
 
Et ainsi pourrait-on dire : deux propositions sont opposées quand elles n'ont rien en commun; et : à chaque proposition correspond une seule négation, parce qu'il n'y a qu'une seule proposition qui lui soit complètement extérieure.
 
Dans la notation de Russell, se montre également que « q : p ∨ ~p » dit la même chose que « q »; que « p ∨ ~p » ne dit rien.
 
'''5.514''' Quand une notation est fixée, elle comporte une règle selon laquelle toutes les propositions qui nient p sont construites; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p sont construites; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p ou q sont construites, et ainsi de suite. Ces règles sont équivalentes aux symboles, et en elles se reflète leur sens.
 
'''5.515''' Il doit se montrer dans nos symboles que ce qui est combiné par « ∨ », « . », etc., ce doit être des propositions.
 
Et c'est en effet le cas, car le symbole « p » et le symbole « q » présupposent d'eux-mêmes les « ∨ », « ~ », etc. Si le signe « p »<references />