Tractatus logico-philosophicus (français): Difference between revisions

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'''6.372''' Aussi se tiennent-ils devant les lois de la nature comme devant quelque chose d'intouchable, comme les Anciens devant Dieu et le Destin.
'''6.372''' Aussi se tiennent-ils devant les lois de la nature comme devant quelque chose d'intouchable, comme les Anciens devant Dieu et le Destin.


Et les uns et les autres ont en effet raison et tort. Cependant les Anciens ont assurément une idée plus claire en ce qu'ils
Et les uns et les autres ont en effet raison et tort. Cependant les Anciens ont assurément une idée plus claire en ce qu'ils reconnaissent une limitation, tandis que dans le système nouveau il doit sembler que ''tout'' est expliqué.
 
'''6.373''' Le monde est indépendant de ma volonté.
 
'''6.374''' Même si tous nos voeux se réalisaient, ce serait pourtant seulement, pour ainsi dire, une grâce du Destin, car il n'y a aucune interdépendance ''logique'' entre le vouloir et le monde, qui garantirait qu'il en soit ainsi, et l'interdépendance physique supposée, quant à elle, nous ne pourrions encore moins la vouloir.
 
'''6.375''' De même qu'il n'est de nécessité que ''logique'', de même il n'est d'impossibilité que ''logique''.
 
'''6.3751''' Que, par exemple, deux couleurs soient ensemble en un même lieu du champ visuel est impossible, et même ''logiquement'' impossible, car c'est la structure logique de la couleur qui l'exclut.
 
Réfléchissons à la manière dont cette contradiction<ref>''Widerspruch''.</ref> se présente en physique; à peu près ainsi : une particule ne peut avoir au même instant deux vitesses; c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être au même instant en deux lieux; c'est-à-dire que des particules, en des lieux différents en un seul moment du temps, ne peuvent être identiques.
 
(Il est clair que le produit logique de deux propositions élémentaires ne peut être ni une tautologie ni une contradiction<ref>''Kontradiktion''.</ref>. Énoncer qu'un point du champ visuel a dans le même temps deux couleurs différentes est une contradiction.)
 
'''6.4''' Toutes les propositions ont même valeur.
 
'''6.41''' Le sens du monde doit être en dehors de lui. Dans le monde, tout est comme il est, et tout arrive comme il arrive; il n'y a ''en lui'' aucune valeur – et s'il y en avait une elle serait sans valeur.
 
S'il y a une valeur qui a de la valeur, elle doit être extérieure à tout ce qui arrive, et à tout état particulier. Car tout ce qui arrive et tout état particulier est accidentel.
 
Ce qui le rend non accidentel ne peut être ''dans'' le monde, car ce serait retomber dans l'accident.
 
Ce doit être hors du monde.
 
'''6.42''' C'est pourquoi il ne peut y avoir de propositions éthiques. Les propositions ne peuvent rien exprimer de Supérieur<ref>''nichts Höheres''.</ref>.
 
'''6.421''' Il est clair que l'éthique ne se laisse pas énoncer. L'éthique est transcendantale. (Éthique et esthétique sont une seule et même chose.)
 
'''6.422''' La première pensée qui vient en posant une loi éthique de la forme : « Tu dois... » est la suivante : et qu'en sera-t-il donc si je ne fais pas ainsi? Il est pourtant clair que l'éthique n'a rien à voir avec le châtiment et la récompense au sens usuel. Cette question touchant les ''conséquences'' d'un acte doit donc être sans importance. Du moins faut-il que ces conséquences ne soient pas des événements. Car la question posée doit malgré tout être par quelque côté correcte. Il doit y avoir, en vérité, une espèce de châtiment et une espèce de récompense éthiques, mais ils doivent se trouver dans l'acte lui-même.
 
(Et il est clair aussi que la récompense doit être quelque chose d'agréable, le châtiment quelque chose de désagréable.)
 
'''6.423''' Du vouloir comme porteur de l'éthique on ne peut rien dire.
 
Et le vouloir comme phénomène n'intéresse que la psychologie.
 
'''6.43''' Si le bon ou le mauvais vouloir changent le monde, ils ne peuvent changer que les frontières du monde, non les faits; non ce qui peut être exprimé par le langage.
 
En bref, le monde doit alors devenir par là totalement autre. Il doit pouvoir, pour ainsi dire, diminuer ou croître dans son ensemble.
 
Le monde de l'homme heureux est un autre monde que celui de l'homme malheureux.
 
'''6.431''' Ainsi dans la mort, le monde n'est pas changé, il cesse.
 
'''6.4311''' La mort n'est pas un événement de la vie. On ne vit pas la mort.
 
Si l'on entend par éternité non la durée infinie mais l'intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent.
 
Notre vie n'a pas de fin, comme notre champ de vision est sans frontière.
 
'''6.4312''' L'immortalité de l'âme humaine, c'est-à-dire sa survie éternelle après la mort, non seulement n'est en aucune manière assurée, mais encore et surtout n'apporte nullement ce qu'on a toujours voulu obtenir en en recevant la croyance. Car quelle énigme se trouvera résolue du fait de mon éternelle survie? Cette vie éternelle n'est-elle pas aussi énigmatique que la vie présente? La solution de l'énigme de la vie dans le temps et dans l'espace se trouve ''en dehors'' de l'espace et du temps.
 
(Ce n'est pas la solution des problèmes de la science de la nature qui est ici requise.)
 
'''6.432''' Comment est le monde, ceci est pour le Supérieur parfaitement indifférent. Dieu ne se révèle pas ''dans'' le monde.
 
'''6.4321''' Les faits appartiennent tous au problème à résoudre, non pas à sa solution.
 
'''6.44''' Ce n'est pas ''comment'' est le monde qui est le Mystique, mais ''qu'il soit''.
 
'''6.45''' La saisie du monde ''sub specie æterni'' est sa saisie comme totalité bornée.
 
Le sentiment du monde comme totalité bornée est le Mystique.
 
'''6.5''' D'une réponse qu'on ne peut formuler, on ne peut non plus formuler la question.
 
Il n'y a pas d'''énigme''.
 
Si une question peut de quelque manière être posée, elle peut aussi recevoir une réponse.
 
'''6.51''' Le scepticisme ''n'est pas'' irréfutable, mais évidemment dépourvu de sens, quand il veut élever des doutes là où l'on ne peut poser de questions.
 
Car le doute ne peut subsister que là où subsiste une question; une question seulement là où subsiste une réponse, et celle-ci seulement là où quelque chose peut être ''dit''.
 
'''6.52''' Nous sentons que, à supposer même que toutes les questions scientifiques ''possibles'' soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts. A vrai dire, il ne reste plus alors aucune question; et cela même est la réponse.
 
'''6.521''' La solution du problème de la vie, on la perçoit à la disparition de ce problème.
 
(N'est-ce pas la raison pour laquelle les hommes qui, après avoir longuement douté, ont trouvé la claire vision du sens de la vie, ceux-là n'ont pu dire alors en quoi ce sens consistait?)
 
'''6.522''' Il y a assurément de l'indicible. Il se montre, c'est le Mystique.
 
'''6.53''' La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature – quelque chose qui, par conséquent, n'a rien à faire avec la philosophie –, puis quand quelqu'un d'autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu'il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre – qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné de la philosophie – mais ce serait la seule strictement correcte.
 
'''6.54''' Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen – en passant sur elles – il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l'échelle après y être monté.)
 
Il lui faut dépasser ces propositions pour voir correctement le monde.
 
'''7''' Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.




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