Tractatus logico-philosophicus (français): Difference between revisions

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{{colophon
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|translator=Traduction : Gilles-Gaston Granger
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|notes=Cette édition digitale est une reproduction de ... . Tous les droits sur la traduction appartiennent au [https://centregranger.cnrs.fr/ Centre Gilles-Gaston Granger]. Le Ludwig Wittgenstein Project remercie les Directeurs du Centre Gilles-Gaston Granger pour l’authorisation à publiser cette édition digitale. Reproduction interdite.
|notes=Cette édition digitale est une reproduction de ... . Tous les droits sur la traduction appartiennent au [https://centregranger.cnrs.fr/ Centre Gilles-Gaston Granger]. Le Ludwig Wittgenstein Project remercie les Directeurs du Centre Gilles-Gaston Granger pour l’authorisation à publiser cette édition digitale. Reproduction interdite.
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{{discreet h2|Devise|display=none}}
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<blockquote><div style="width: 60%; margin-right: auto; margin-left: auto;">Devise : ... et tout ce que l'on sait, qu'on n'a pas seulement entendu comme un bruissement ou un grondement, se laisse dire en trois mots.
<blockquote><div style="width: 60%; margin-right: auto; margin-left: auto;">Devise&nbsp;: ... et tout ce que l'on sait, qu'on n'a pas seulement entendu comme un bruissement ou un grondement, se laisse dire en trois mots.


<p style="text-align: right; font-variant: small-caps;">Kürnberger</p></div></blockquote>
<p style="text-align: right; font-variant: small-caps;">Kürnberger</p></div></blockquote>
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Ce livre ne sera peut-être compris que par qui aura déjà pensé lui-même les pensées qui s'y trouvent exprimées – ou du moins des pensées semblables. Ce n'est donc point un ouvrage d'enseignement. Son but serait atteint s'il se trouvait quelqu'un qui, l'ayant lu et compris, en retirait du plaisir.
Ce livre ne sera peut-être compris que par qui aura déjà pensé lui-même les pensées qui s'y trouvent exprimées – ou du moins des pensées semblables. Ce n'est donc point un ouvrage d'enseignement. Son but serait atteint s'il se trouvait quelqu'un qui, l'ayant lu et compris, en retirait du plaisir.


Le livre traite des problèmes philosophiques, et montre – à ce que je crois – que leur formulation repose sur une mauvaise compréhension de la logique de notre langue. On pourrait résumer en quelque sorte tout le sens du livre en ces termes : tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
Le livre traite des problèmes philosophiques, et montre – à ce que je crois – que leur formulation repose sur une mauvaise compréhension de la logique de notre langue. On pourrait résumer en quelque sorte tout le sens du livre en ces termes&nbsp;: tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.


Le livre tracera donc une frontière à l'acte de penser, – ou plutôt non pas à l'acte de penser, mais à l'expression des pensées : car pour tracer une frontière à l'acte de penser, nous devrions pouvoir penser les deux côtés de cette frontière (nous devrions donc pouvoir penser ce qui ne se laisse pas penser).
Le livre tracera donc une frontière à l'acte de penser, – ou plutôt non pas à l'acte de penser, mais à l'expression des pensées&nbsp;: car pour tracer une frontière à l'acte de penser, nous devrions pouvoir penser les deux côtés de cette frontière (nous devrions donc pouvoir penser ce qui ne se laisse pas penser).


La frontière ne pourra donc être tracée que dans la langue, et ce qui est au-delà de cette frontière sera simplement dépourvu de sens.
La frontière ne pourra donc être tracée que dans la langue, et ce qui est au-delà de cette frontière sera simplement dépourvu de sens.
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'''1.21''' Quelque chose peut isolément avoir lieu ou ne pas avoir lieu, et tout le reste demeurer inchangé.
'''1.21''' Quelque chose peut isolément avoir lieu ou ne pas avoir lieu, et tout le reste demeurer inchangé.


'''2''' Ce qui a lieu, le fait, est la subsistance<ref>''das Bestehen''. La traduction « existence » me semble renvoyer trop directement à l'empirie, alors qu'il s'agit essentiellement d'existence dans l'espace logique. « Existence » traduira : ''Existenz'', vocable qui semble être employé le plus souvent en un sens encore plus abstrait, par exemple l'existence d'un concept.</ref> d'états de chose.
'''2''' Ce qui a lieu, le fait, est la subsistance<ref>''das Bestehen''. La traduction «&nbsp;existence&nbsp;» me semble renvoyer trop directement à l'empirie, alors qu'il s'agit essentiellement d'existence dans l'espace logique. «&nbsp;Existence&nbsp;» traduira&nbsp;: ''Existenz'', vocable qui semble être employé le plus souvent en un sens encore plus abstrait, par exemple l'existence d'un concept.</ref> d'états de chose.


'''2.01''' L'état de choses est une connexion d'objets (entités, choses).
'''2.01''' L'état de choses est une connexion d'objets (entités, choses).
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'''2.011''' Il fait partie de l'essence d'une chose d'être élément constitutif d'un état de choses.
'''2.011''' Il fait partie de l'essence d'une chose d'être élément constitutif d'un état de choses.


'''2.012''' En logique, rien n'est accidentel : quand la chose se présente dans un état de choses, c'est que la possibilité de l'état de choses doit déjà être préjugée dans la chose.
'''2.012''' En logique, rien n'est accidentel&nbsp;: quand la chose se présente dans un état de choses, c'est que la possibilité de l'état de choses doit déjà être préjugée dans la chose.


'''2.0121''' Il apparaîtrait pour ainsi dire comme accidentel qu'à une chose qui pourrait subsister seule en elle-même, une situation<ref>''Sachlage''. Employé par Wittgenstein apparemment comme substitut plus vague de fait possible ou réel.</ref> convînt par surcroît.
'''2.0121''' Il apparaîtrait pour ainsi dire comme accidentel qu'à une chose qui pourrait subsister seule en elle-même, une situation<ref>''Sachlage''. Employé par Wittgenstein apparemment comme substitut plus vague de fait possible ou réel.</ref> convînt par surcroît.
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'''2.0131''' L'objet spatial doit se trouver dans un espace infini. (Le point spatial est une place pour un argument.)
'''2.0131''' L'objet spatial doit se trouver dans un espace infini. (Le point spatial est une place pour un argument.)


Une tache dans le champ visuel n'a certes pas besoin d'être rouge, mais elle doit avoir une couleur : elle porte pour ainsi dire autour d'elle l'espace des couleurs. Le son doit avoir ''une'' hauteur, l'objet du tact ''une'' dureté, etc.
Une tache dans le champ visuel n'a certes pas besoin d'être rouge, mais elle doit avoir une couleur&nbsp;: elle porte pour ainsi dire autour d'elle l'espace des couleurs. Le son doit avoir ''une'' hauteur, l'objet du tact ''une'' dureté, etc.


'''2.014''' Les objets contiennent la possibilité de toutes les situations.
'''2.014''' Les objets contiennent la possibilité de toutes les situations.
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'''2.023''' Cette forme consiste justement dans les objets.
'''2.023''' Cette forme consiste justement dans les objets.


'''2.0231''' La substance du monde ne ''peut'' déterminer qu'une forme, et nullement des propriétés matérielles. Car celles-ci sont d'abord figurées<ref>Wittgenstein use des mots ''darstellen'', ''vorstellen'', ''abbilden'' pour exprimer l'idée de représenter. Sans être sûr que les différences, dans son texte, soient toujours autres que purement stylistiques, je traduirai dans le ''Tractatus'' ''darstellen'' par figurer, ''vorstellen'' par présenter, ''abbilden'' par représenter et ''Abbildung'' par représentation. On trouvera aussi ''vertreten'' : être le représentant, le substitut de.</ref> par les propositions – d'abord formées par la configuration des objets.
'''2.0231''' La substance du monde ne ''peut'' déterminer qu'une forme, et nullement des propriétés matérielles. Car celles-ci sont d'abord figurées<ref>Wittgenstein use des mots ''darstellen'', ''vorstellen'', ''abbilden'' pour exprimer l'idée de représenter. Sans être sûr que les différences, dans son texte, soient toujours autres que purement stylistiques, je traduirai dans le ''Tractatus'' ''darstellen'' par figurer, ''vorstellen'' par présenter, ''abbilden'' par représenter et ''Abbildung'' par représentation. On trouvera aussi ''vertreten''&nbsp;: être le représentant, le substitut de.</ref> par les propositions – d'abord formées par la configuration des objets.


'''2.0232''' En termes sommaires : les objets sont sans couleur.
'''2.0232''' En termes sommaires&nbsp;: les objets sont sans couleur.


'''2.0233''' Deux objets de même forme logique – leurs propriétés externes mises à part – ne se différencient l'un de l'autre que parce qu'ils sont distincts.
'''2.0233''' Deux objets de même forme logique – leurs propriétés externes mises à part – ne se différencient l'un de l'autre que parce qu'ils sont distincts.
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'''2.062''' De la subsistance ou de la non-subsistance d'un état de choses, on ne peut déduire la subsistance ou la non-subsistance d'un autre état de choses.
'''2.062''' De la subsistance ou de la non-subsistance d'un état de choses, on ne peut déduire la subsistance ou la non-subsistance d'un autre état de choses.


'''2.063''' La totalité de la réalité est le monde<ref>Il y a trois définitions du monde : les ''faits'' dans l'espace logique (1.13), la totalité des états de choses ''subsistants'' (2.04), la totalité de la ''réalité'' (2.063), qui doivent coïncider.</ref>.
'''2.063''' La totalité de la réalité est le monde<ref>Il y a trois définitions du monde&nbsp;: les ''faits'' dans l'espace logique (1.13), la totalité des états de choses ''subsistants'' (2.04), la totalité de la ''réalité'' (2.063), qui doivent coïncider.</ref>.


'''2.1''' Nous nous faisons des images des faits.
'''2.1''' Nous nous faisons des images des faits.
Line 204: Line 204:
'''2.141''' L'image est un fait.
'''2.141''' L'image est un fait.


'''2.15''' Que les éléments de l'image soient entre eux dans un rapport déterminé présente ceci : que les choses sont entre elles dans ce rapport.
'''2.15''' Que les éléments de l'image soient entre eux dans un rapport déterminé présente ceci&nbsp;: que les choses sont entre elles dans ce rapport.


Cette interdépendance des éléments de l'image, nommons-la sa structure, et la possibilité de cette interdépendance sa forme de représentation.
Cette interdépendance des éléments de l'image, nommons-la sa structure, et la possibilité de cette interdépendance sa forme de représentation.
Line 270: Line 270:
'''3''' L'image logique des faits est la pensée.
'''3''' L'image logique des faits est la pensée.


'''3.001''' « Un état de choses est pensable » signifie : nous pouvons nous en faire une image.
'''3.001''' «&nbsp;Un état de choses est pensable&nbsp;» signifie&nbsp;: nous pouvons nous en faire une image.


'''3.01''' La totalité des pensées vraies est une image du monde.
'''3.01''' La totalité des pensées vraies est une image du monde.
Line 278: Line 278:
'''3.03''' Nous ne pouvons rien penser d'illogique, parce que nous devrions alors penser illogiquement.
'''3.03''' Nous ne pouvons rien penser d'illogique, parce que nous devrions alors penser illogiquement.


'''3.031''' On a dit que Dieu pouvait tout créer, sauf seulement ce qui contredirait aux lois de la logique. – En effet, nous ne pourrions pas ''dire'' à quoi ressemblerait un monde « illogique ».
'''3.031''' On a dit que Dieu pouvait tout créer, sauf seulement ce qui contredirait aux lois de la logique. – En effet, nous ne pourrions pas ''dire'' à quoi ressemblerait un monde «&nbsp;illogique&nbsp;».


'''3.032''' Figurer dans le langage quelque chose de « contraire à la logique », on ne le peut pas plus que figurer en géométrie par ses coordonnées une figure qui contredirait aux lois de l'espace; ou donner les coordonnées d'un point qui n'existe pas.
'''3.032''' Figurer dans le langage quelque chose de «&nbsp;contraire à la logique&nbsp;», on ne le peut pas plus que figurer en géométrie par ses coordonnées une figure qui contredirait aux lois de l'espace; ou donner les coordonnées d'un point qui n'existe pas.


'''3.0321''' Nous pouvons bien figurer spatialement un état de choses qui heurte les lois de la physique, mais non pas un état de choses qui heurte celles de la géométrie.
'''3.0321''' Nous pouvons bien figurer spatialement un état de choses qui heurte les lois de la physique, mais non pas un état de choses qui heurte celles de la géométrie.
Line 300: Line 300:
Donc la possibilité du projeté, non le projeté lui-même. Dans la proposition, le sens n'est donc pas encore contenu, mais seulement la possibilité de l'exprimer.
Donc la possibilité du projeté, non le projeté lui-même. Dans la proposition, le sens n'est donc pas encore contenu, mais seulement la possibilité de l'exprimer.


(« Le contenu de la proposition » signifie le contenu de la proposition pourvue de sens.)
&nbsp;Le contenu de la proposition&nbsp;» signifie le contenu de la proposition pourvue de sens.)


Dans la proposition, est contenue la forme de son sens, mais non pas le contenu de celui-ci.
Dans la proposition, est contenue la forme de son sens, mais non pas le contenu de celui-ci.
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La position spatiale respective de ces choses exprime alors le sens de la proposition.
La position spatiale respective de ces choses exprime alors le sens de la proposition.


'''3.1432''' Non pas : « le signe complexe aRb dit que a est dans la relation R avec b », mais bien : que « a » soit dans une relation determinée avec « b » dit que aRb.
'''3.1432''' Non pas&nbsp;: «&nbsp;le signe complexe aRb dit que a est dans la relation R avec b&nbsp;», mais bien&nbsp;: que «&nbsp;a&nbsp;» soit dans une relation determinée avec «&nbsp;b&nbsp;» dit que aRb.


'''3.144''' Les situations peuvent être décrites, non ''nommées''. (Les noms sont comme des points, les propositions comme des flèches, elles ont un sens.)
'''3.144''' Les situations peuvent être décrites, non ''nommées''. (Les noms sont comme des points, les propositions comme des flèches, elles ont un sens.)
Line 326: Line 326:
'''3.2''' Dans la proposition la pensée peut être exprimée de telle façon que les objets de la pensée correspondent aux éléments du signe propositionnel.
'''3.2''' Dans la proposition la pensée peut être exprimée de telle façon que les objets de la pensée correspondent aux éléments du signe propositionnel.


'''3.201''' Je nomme ces éléments : « signes simples » et cette proposition : « complètement analysée ».
'''3.201''' Je nomme ces éléments&nbsp;: «&nbsp;signes simples&nbsp;» et cette proposition&nbsp;: «&nbsp;complètement analysée&nbsp;».


'''3.202''' Les signes simples utilisés dans la proposition s'appellent noms.
'''3.202''' Les signes simples utilisés dans la proposition s'appellent noms.


'''3.203''' Le nom signifie<ref>''bedeutet''. On distinguera la traduction de ce verbe de celles de : ''aufweisen'' (''montrer'' sans pouvoir ''exprimer'', 2.172 par exemple), et de : ''bezeichnen'' (indiquer, dénoter, mot général et assez vague s'appliquant aussi bien au signe propositionnel qu'au nom). On traduira ''Bedeutung'' par : ''signification''.</ref> l'objet. L'objet est sa signification. (« A » est le même signe que « A ».)
'''3.203''' Le nom signifie<ref>''bedeutet''. On distinguera la traduction de ce verbe de celles de&nbsp;: ''aufweisen'' (''montrer'' sans pouvoir ''exprimer'', 2.172 par exemple), et de&nbsp;: ''bezeichnen'' (indiquer, dénoter, mot général et assez vague s'appliquant aussi bien au signe propositionnel qu'au nom). On traduira ''Bedeutung'' par&nbsp;: ''signification''.</ref> l'objet. L'objet est sa signification. («&nbsp;A&nbsp;» est le même signe que «&nbsp;A&nbsp;».)


'''3.21''' À la configuration des signes simples dans le signe propositionnel correspond la configuration des objets dans la situation.
'''3.21''' À la configuration des signes simples dans le signe propositionnel correspond la configuration des objets dans la situation.
Line 350: Line 350:
'''3.25''' Il y a une analyse complète de la proposition, et une seulement.
'''3.25''' Il y a une analyse complète de la proposition, et une seulement.


'''3.251''' La proposition exprime d'une manière déterminée et clairement assignable ce qu'elle exprime : la proposition est articulée.
'''3.251''' La proposition exprime d'une manière déterminée et clairement assignable ce qu'elle exprime&nbsp;: la proposition est articulée.


'''3.26''' Le nom ne saurait être fractionné en éléments par une définition : c'est un signe primitif.
'''3.26''' Le nom ne saurait être fractionné en éléments par une définition&nbsp;: c'est un signe primitif.


'''3.261''' Chaque signe défini dénote ''par-delà'' les signes qui servent à le définir; et les définitions montrent la direction.
'''3.261''' Chaque signe défini dénote ''par-delà'' les signes qui servent à le définir; et les définitions montrent la direction.
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(À la limite, la variable devient une constante, l'expression une proposition.)
(À la limite, la variable devient une constante, l'expression une proposition.)


J'appelle une telle variable « variable propositionnelle ».
J'appelle une telle variable «&nbsp;variable propositionnelle&nbsp;».


'''3.314''' L'expression n'a de signification que dans la proposition. Toute variable peut être conçue comme variable propositionnelle.
'''3.314''' L'expression n'a de signification que dans la proposition. Toute variable peut être conçue comme variable propositionnelle.
Line 412: Line 412:
'''3.323''' Dans la langue usuelle il arrive fort souvent que le même mot dénote de plusieurs manières différentes – et appartienne donc à des symboles différents –, ou bien que deux mots, qui dénotent de manières différentes, sont en apparence employés dans la proposition de la même manière.
'''3.323''' Dans la langue usuelle il arrive fort souvent que le même mot dénote de plusieurs manières différentes – et appartienne donc à des symboles différents –, ou bien que deux mots, qui dénotent de manières différentes, sont en apparence employés dans la proposition de la même manière.


Ainsi le mot « est » apparaît comme copule, comme signe d'égalité et comme expression de l'existence; « exister » comme verbe intransitif, à la façon d'« aller »; « identique » comme adjectif qualificatif; nous parlons « de quelque chose », mais disons aussi que « quelque chose » arrive.
Ainsi le mot «&nbsp;est&nbsp;» apparaît comme copule, comme signe d'égalité et comme expression de l'existence; «&nbsp;exister&nbsp;» comme verbe intransitif, à la façon d'«&nbsp;aller&nbsp;»; «&nbsp;identique&nbsp;» comme adjectif qualificatif; nous parlons «&nbsp;de quelque chose&nbsp;», mais disons aussi que «&nbsp;quelque chose&nbsp;» arrive.


(Dans la proposition « Brun est brun » – où le premier mot est un nom de personne, le dernier un adjectif qualificatif –, ces deux mots n'ont pas simplement des significations différentes, ce sont des ''symboles différents''.)
(Dans la proposition «&nbsp;Brun est brun&nbsp;» – où le premier mot est un nom de personne, le dernier un adjectif qualificatif –, ces deux mots n'ont pas simplement des significations différentes, ce sont des ''symboles différents''.)


'''3.324''' Ainsi naissent facilement les confusions fondamentales (dont toute la philosophie est pleine).
'''3.324''' Ainsi naissent facilement les confusions fondamentales (dont toute la philosophie est pleine).
Line 432: Line 432:
'''3.33''' Dans la syntaxe logique, la signification d'un signe ne saurait jouer aucun rôle; il faut que la syntaxe soit établie sans pour autant faire état de la signification d'un signe, elle ne peut que supposer seulement la description des expressions.
'''3.33''' Dans la syntaxe logique, la signification d'un signe ne saurait jouer aucun rôle; il faut que la syntaxe soit établie sans pour autant faire état de la signification d'un signe, elle ne peut que supposer seulement la description des expressions.


'''3.331''' À partir de cette remarque, examinons la « théorie des types » de Russell : l'erreur de Russell se manifeste en ceci qu'il lui faille parler de la signification des signes pour établir leur syntaxe.
'''3.331''' À partir de cette remarque, examinons la «&nbsp;théorie des types&nbsp;» de Russell&nbsp;: l'erreur de Russell se manifeste en ceci qu'il lui faille parler de la signification des signes pour établir leur syntaxe.


'''3.332''' Aucune proposition ne peut rien dire à son propre sujet, puisque le signe propositionnel ne saurait être contenu en lui-même (c'est là toute la « théorie des types»).
'''3.332''' Aucune proposition ne peut rien dire à son propre sujet, puisque le signe propositionnel ne saurait être contenu en lui-même (c'est là toute la «&nbsp;théorie des types&nbsp;»).


'''3.333''' Une fonction ne saurait par conséquent être son propre argument, puisque le signe de fonction contient déjà l'image primitive de son argument, et ne peut se contenir lui-même.
'''3.333''' Une fonction ne saurait par conséquent être son propre argument, puisque le signe de fonction contient déjà l'image primitive de son argument, et ne peut se contenir lui-même.


Supposons, par exemple, que la fonction F(fx) puisse être son propre argument; il y aurait donc alors une proposition « F(F(fx)) », dans laquelle la fonction externe F et la fonction interne F devraient avoir des significations différentes, car la fonction interne est de la forme φ(fx), l'externe ψ(φ(fx)). Seule est commune aux deux fonctions la lettre F, mais qui en elle-même ne dénote rien.
Supposons, par exemple, que la fonction F(fx) puisse être son propre argument; il y aurait donc alors une proposition «&nbsp;F(F(fx))&nbsp;», dans laquelle la fonction externe F et la fonction interne F devraient avoir des significations différentes, car la fonction interne est de la forme φ(fx), l'externe ψ(φ(fx)). Seule est commune aux deux fonctions la lettre F, mais qui en elle-même ne dénote rien.


Ceci s'éclaire immédiatement si, au lieu de « F(F(u)) », nous écrivons : « (∃φ) : F(φu) . φu = Fu ».
Ceci s'éclaire immédiatement si, au lieu de «&nbsp;F(F(u))&nbsp;», nous écrivons&nbsp;: «&nbsp;(∃φ)&nbsp;: F(φu) . φu = Fu&nbsp;».


Ainsi se trouve éliminé le paradoxe de Russell.
Ainsi se trouve éliminé le paradoxe de Russell.
Line 454: Line 454:
Et de même, plus généralement, est essentiel au symbole ce qui est commun à tous les symboles qui peuvent atteindre le même but.
Et de même, plus généralement, est essentiel au symbole ce qui est commun à tous les symboles qui peuvent atteindre le même but.


'''3.3411''' On pourrait donc dire : le véritable nom est ce que tous les symboles qui dénotent l'objet ont en commun. Il s'ensuivrait, de proche en proche, qu'aucune composition n'est essentielle au nom.
'''3.3411''' On pourrait donc dire&nbsp;: le véritable nom est ce que tous les symboles qui dénotent l'objet ont en commun. Il s'ensuivrait, de proche en proche, qu'aucune composition n'est essentielle au nom.


'''3.342''' Dans nos notations, il y a bien quelque chose d'arbitraire; mais ce qui n'est pas arbitraire, c'est que, lorsque quelque chose a été arbitrairement déterminé, alors quelque chose d'autre doit avoir lieu. (Ceci résulte de l'''essence'' de la notation.)
'''3.342''' Dans nos notations, il y a bien quelque chose d'arbitraire; mais ce qui n'est pas arbitraire, c'est que, lorsque quelque chose a été arbitrairement déterminé, alors quelque chose d'autre doit avoir lieu. (Ceci résulte de l'''essence'' de la notation.)


'''3.3421''' Il se peut qu'un mode particulier de dénotation soit sans importance, mais ce qui est toujours important, c'est qu'il soit un mode ''possible'' de dénotation. Ainsi en est-il, en règle générale, en philosophie : l'individuel se révèle toujours comme étant sans importance, mais la possibilité de chaque cas individuel nous révèle quelque chose sur l'essence du monde.
'''3.3421''' Il se peut qu'un mode particulier de dénotation soit sans importance, mais ce qui est toujours important, c'est qu'il soit un mode ''possible'' de dénotation. Ainsi en est-il, en règle générale, en philosophie&nbsp;: l'individuel se révèle toujours comme étant sans importance, mais la possibilité de chaque cas individuel nous révèle quelque chose sur l'essence du monde.


'''3.343''' Les définitions sont des règles de traduction d'une langue dans une autre. Tout symbolisme correct doit pouvoir être traduit dans tout autre au moyen de telles règles : c'est ''cela'' qu'ils ont tous en commun.
'''3.343''' Les définitions sont des règles de traduction d'une langue dans une autre. Tout symbolisme correct doit pouvoir être traduit dans tout autre au moyen de telles règles&nbsp;: c'est ''cela'' qu'ils ont tous en commun.


'''3.344''' Ce qui dénote dans le symbole, c'est ce qui est commun à tous les symboles qui peuvent le remplacer conformément aux règles de syntaxe logique.
'''3.344''' Ce qui dénote dans le symbole, c'est ce qui est commun à tous les symboles qui peuvent le remplacer conformément aux règles de syntaxe logique.


'''3.3441''' On peut, par exemple, exprimer ainsi ce qui est commun à toutes les notations des fonctions de vérité : il leur est commun de pouvoir toutes ''être remplacées'' en utilisant – par exemple – la notation « ~p » (« non p ») et « p ∨ q » (« p ou q »). (Ce qui nous fait connaître la manière dont une notation particulière possible peut nous donner une information générale.)
'''3.3441''' On peut, par exemple, exprimer ainsi ce qui est commun à toutes les notations des fonctions de vérité&nbsp;: il leur est commun de pouvoir toutes ''être remplacées'' en utilisant – par exemple – la notation «&nbsp;~p&nbsp;» («&nbsp;non p&nbsp;») et «&nbsp;p ∨ q&nbsp;» («&nbsp;p ou q&nbsp;»). (Ce qui nous fait connaître la manière dont une notation particulière possible peut nous donner une information générale.)


'''3.3442''' Aussi, le signe d'un complexe ne se résout pas arbitrairement par l'analyse, de sorte que, en quelque manière, sa résolution serait différente dans chaque construction propositionnelle.
'''3.3442''' Aussi, le signe d'un complexe ne se résout pas arbitrairement par l'analyse, de sorte que, en quelque manière, sa résolution serait différente dans chaque construction propositionnelle.
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'''3.4''' La proposition détermine un lieu dans l'espace logique. L'existence de ce lieu logique est garantie par la seule existence des parties constituantes, par l'existence de la proposition pourvue de sens.
'''3.4''' La proposition détermine un lieu dans l'espace logique. L'existence de ce lieu logique est garantie par la seule existence des parties constituantes, par l'existence de la proposition pourvue de sens.


'''3.41''' Le signe propositionnel et les coordonnées logiques : voilà le lieu logique.
'''3.41''' Le signe propositionnel et les coordonnées logiques&nbsp;: voilà le lieu logique.


'''3.411''' Le lieu géométrique et le lieu logique s'accordent en ceci, que tous deux sont la possibilité d'une existence<ref>''Existenz''.</ref>.
'''3.411''' Le lieu géométrique et le lieu logique s'accordent en ceci, que tous deux sont la possibilité d'une existence<ref>''Existenz''.</ref>.
Line 496: Line 496:
'''4.003''' La plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses, mais sont dépourvues de sens. Nous ne pouvons donc en aucune façon répondre à de telles questions, mais seulement établir leur non-sens. La plupart des propositions et questions des philosophes découlent de notre incompréhension de la logique de la langue.
'''4.003''' La plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses, mais sont dépourvues de sens. Nous ne pouvons donc en aucune façon répondre à de telles questions, mais seulement établir leur non-sens. La plupart des propositions et questions des philosophes découlent de notre incompréhension de la logique de la langue.


(Elles sont du même type que la question : le Bien est-il plus ou moins identique que le Beau?)
(Elles sont du même type que la question&nbsp;: le Bien est-il plus ou moins identique que le Beau?)


Et ce n'est pas merveille si les problèmes les plus profonds ne sont, à proprement parler, ''pas'' des problèmes.
Et ce n'est pas merveille si les problèmes les plus profonds ne sont, à proprement parler, ''pas'' des problèmes.


'''4.0031''' Toute philosophie est « critique du langage ». (Mais certainement pas au sens de Mauthner<ref>Auteur de ''Contributions à une critique du langage'' (1903). Son influence sur Wittgenstein apparaît néanmoins clairement dans cette citation : « Sitôt que nous avons vraiment quelque chose à dire, il faut nous taire » (''Contributions I'', p. 111), à rapprocher de l'aphorisme 7 du ''Tractatus''.</ref>.) Le mérite de Russell est d'avoir montré que la forme logique apparente de la proposition n'est pas nécessairement sa forme logique réelle.
'''4.0031''' Toute philosophie est «&nbsp;critique du langage&nbsp;». (Mais certainement pas au sens de Mauthner<ref>Auteur de ''Contributions à une critique du langage'' (1903). Son influence sur Wittgenstein apparaît néanmoins clairement dans cette citation&nbsp;: «&nbsp;Sitôt que nous avons vraiment quelque chose à dire, il faut nous taire&nbsp;» (''Contributions I'', p. 111), à rapprocher de l'aphorisme 7 du ''Tractatus''.</ref>.) Le mérite de Russell est d'avoir montré que la forme logique apparente de la proposition n'est pas nécessairement sa forme logique réelle.


'''4.01''' La proposition est une image de la réalité.
'''4.01''' La proposition est une image de la réalité.
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Et pourtant ces symbolismes se révèlent bien comme étant, même au sens usuel du mot, des images de ce qu'ils présentent.
Et pourtant ces symbolismes se révèlent bien comme étant, même au sens usuel du mot, des images de ce qu'ils présentent.


'''4.012''' Il est patent que nous percevons une proposition de la forme « aRb » comme une image. Il est patent qu'ici le signe est une métaphore<ref>''Gleichnis''.</ref> du dénoté.
'''4.012''' Il est patent que nous percevons une proposition de la forme «&nbsp;aRb&nbsp;» comme une image. Il est patent qu'ici le signe est une métaphore<ref>''Gleichnis''.</ref> du dénoté.


'''4.013''' Et si nous pénétrons l'essence de cette capacité d'être image, nous voyons qu'elle n'est pas perturbée par d'apparentes irrégularités (comme l'emploi du dièse et du bémol dans la notation musicale).
'''4.013''' Et si nous pénétrons l'essence de cette capacité d'être image, nous voyons qu'elle n'est pas perturbée par d'apparentes irrégularités (comme l'emploi du dièse et du bémol dans la notation musicale).
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On peut directement dire, au lieu de cette proposition a tel ou tel sens, cette proposition figure telle ou telle situation.
On peut directement dire, au lieu de cette proposition a tel ou tel sens, cette proposition figure telle ou telle situation.


'''4.0311''' Un nom est mis pour une chose, un autre pour une autre, et ils sont reliés entre eux, de telle sorte que le tout, comme un ''tableau vivant''<ref>''lebendes Bild''. Nous empruntons à la traduction anglaise de D.F. Pears et B.F. McGuiness le mot français : « tableau vivant ».</ref>, figure un état de choses.
'''4.0311''' Un nom est mis pour une chose, un autre pour une autre, et ils sont reliés entre eux, de telle sorte que le tout, comme un ''tableau vivant''<ref>''lebendes Bild''. Nous empruntons à la traduction anglaise de D.F. Pears et B.F. McGuiness le mot français&nbsp;: «&nbsp;tableau vivant&nbsp;».</ref>, figure un état de choses.


'''4.0312''' La possibilité de la proposition repose sur le principe de la position de signes comme représentants des objets. Ma pensée fondamentale est que les « constantes logiques ne sont les représentants de rien. Que la ''logique'' des faits ne peut elle-même avoir de représentant.
'''4.0312''' La possibilité de la proposition repose sur le principe de la position de signes comme représentants des objets. Ma pensée fondamentale est que les «&nbsp;constantes logiques&nbsp;» ne sont les représentants de rien. Que la ''logique'' des faits ne peut elle-même avoir de représentant.


'''4.032''' La proposition est une image d'une situation dans la mesure seulement où elle est logiquement segmentée.
'''4.032''' La proposition est une image d'une situation dans la mesure seulement où elle est logiquement segmentée.


(Même la proposition « ambulo » est composée, car son radical accompagné d'une autre terminaison et sa terminaison accompagnant un autre radical donnent un autre sens.)
(Même la proposition «&nbsp;ambulo&nbsp;» est composée, car son radical accompagné d'une autre terminaison et sa terminaison accompagnant un autre radical donnent un autre sens.)


'''4.04''' Dans la proposition, il doit y avoir exactement autant d'éléments distincts que dans la situation qu'elle présente.
'''4.04''' Dans la proposition, il doit y avoir exactement autant d'éléments distincts que dans la situation qu'elle présente.


Toutes deux doivent posséder le même degré de multiplicité logique (mathématique). (Comparez avec la « Mécanique » de Herz, à propos des modèles dynamiques.)
Toutes deux doivent posséder le même degré de multiplicité logique (mathématique). (Comparez avec la «&nbsp;Mécanique&nbsp;» de Herz, à propos des modèles dynamiques.)


'''4.041''' Cette multiplicité mathématique ne peut naturellement être elle-même à son tour représentée. On ne peut se placer en dehors d'elle en la représentant.
'''4.041''' Cette multiplicité mathématique ne peut naturellement être elle-même à son tour représentée. On ne peut se placer en dehors d'elle en la représentant.


'''4.0411''' Si nous voulions, par exemple, exprimer au moyen d'un indice préfixé, tel que « Gén.fx », ce que l'on exprime par « (x)fx », cela ne serait pas suffisant, car nous ne saurions pas ce qui est généralisé. Si nous voulions l'exprimer par un indice suffixé « α », tel que : « f(x<sub>α</sub>) », ce ne serait pas non plus suffisant, car nous ne saurions pas quelle est la portée de la notation de généralisation.
'''4.0411''' Si nous voulions, par exemple, exprimer au moyen d'un indice préfixé, tel que «&nbsp;Gén.fx&nbsp;», ce que l'on exprime par «&nbsp;(x)fx&nbsp;», cela ne serait pas suffisant, car nous ne saurions pas ce qui est généralisé. Si nous voulions l'exprimer par un indice suffixé «&nbsp;α&nbsp;», tel que&nbsp;: «&nbsp;f(x<sub>α</sub>)&nbsp;», ce ne serait pas non plus suffisant, car nous ne saurions pas quelle est la portée de la notation de généralisation.


Si nous voulions essayer de l'exprimer en introduisant une marque aux places des arguments, comme par exemple : « (G,G) . F(G,G) », cela ne suffirait pas, car nous ne pourrions fixer l'identité des variables. Etc.
Si nous voulions essayer de l'exprimer en introduisant une marque aux places des arguments, comme par exemple&nbsp;: «&nbsp;(G,G) . F(G,G)&nbsp;», cela ne suffirait pas, car nous ne pourrions fixer l'identité des variables. Etc.


Tous ces modes de dénotation sont insuffisants, en ce qu'ils ne possèdent pas le degré nécessaire de multiplicité mathématique.
Tous ces modes de dénotation sont insuffisants, en ce qu'ils ne possèdent pas le degré nécessaire de multiplicité mathématique.


'''4.0412''' Pour la même raison, l'explication idéaliste de la vision des relations spatiales par des « lunettes d'espace » ne suffit pas, car elle ne peut expliquer la multiplicité de ces relations.
'''4.0412''' Pour la même raison, l'explication idéaliste de la vision des relations spatiales par des «&nbsp;lunettes d'espace&nbsp;» ne suffit pas, car elle ne peut expliquer la multiplicité de ces relations.


'''4.05''' La réalité est comparée à la proposition.
'''4.05''' La réalité est comparée à la proposition.
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'''4.061''' Si l'on ne considère pas que le sens de la proposition est indépendant des faits, on peut facilement croire que le vrai et le faux sont, au même titre, des relations des signes au dénoté.
'''4.061''' Si l'on ne considère pas que le sens de la proposition est indépendant des faits, on peut facilement croire que le vrai et le faux sont, au même titre, des relations des signes au dénoté.


On pourrait dire alors, par exemple, que « p » dénote selon la vérité, ce que « ~p » dénote selon la fausseté, etc.
On pourrait dire alors, par exemple, que «&nbsp;p&nbsp;» dénote selon la vérité, ce que «&nbsp;~p&nbsp;» dénote selon la fausseté, etc.


'''4.062''' Ne peut-on se faire comprendre au moyen de propositions fausses, comme on l'a fait jusqu'à présent avec des vraies?
'''4.062''' Ne peut-on se faire comprendre au moyen de propositions fausses, comme on l'a fait jusqu'à présent avec des vraies?


Pourvu que l'on sache seulement qu'elles sont entendues comme fausses. Non! car une proposition est vraie si les états de choses sont tels que nous le disons par son moyen; et si par « nous voulons dire ~p, et qu'il en soit ainsi que nous le disons, « p » est alors, dans la nouvelle conception, une proposition vraie et non une fausse.
Pourvu que l'on sache seulement qu'elles sont entendues comme fausses. Non! car une proposition est vraie si les états de choses sont tels que nous le disons par son moyen; et si par «&nbsp;p&nbsp;» nous voulons dire ~p, et qu'il en soit ainsi que nous le disons, «&nbsp;p&nbsp;» est alors, dans la nouvelle conception, une proposition vraie et non une fausse.


'''4.0621''' Mais que les signes « p » et « p » puissent dire la même chose est important. Car cela montre que, dans la réalité, rien ne correspond au signe «~».
'''4.0621''' Mais que les signes «&nbsp;p&nbsp;» et «&nbsp;p&nbsp;» puissent dire la même chose est important. Car cela montre que, dans la réalité, rien ne correspond au signe «~».


Que dans une proposition la négation apparaisse ne caractérise encore pas son sens (~~p = p).
Que dans une proposition la négation apparaisse ne caractérise encore pas son sens (~~p = p).


Les propositions « et «~ont un sens opposé, mais il leur correspond une seule et même réalité.
Les propositions «&nbsp;p&nbsp;» et «&nbsp;~p&nbsp;» ont un sens opposé, mais il leur correspond une seule et même réalité.


'''4.063''' Une image pour expliquer le concept de vérité : une tache noire sur un papier blanc; la forme de la tache peut être décrite en disant pour chaque point de la feuille s'il est blanc ou noir. Le fait qu'un point soit noir correspond à un fait positif – le fait qu'un point soit blanc (non noir) à un fait négatif. Si j'indique un point de la surface (une valeur de vérité frégéenne), ceci correspond à une hypothèse proposée à un jugement, etc., etc.
'''4.063''' Une image pour expliquer le concept de vérité&nbsp;: une tache noire sur un papier blanc; la forme de la tache peut être décrite en disant pour chaque point de la feuille s'il est blanc ou noir. Le fait qu'un point soit noir correspond à un fait positif – le fait qu'un point soit blanc (non noir) à un fait négatif. Si j'indique un point de la surface (une valeur de vérité frégéenne), ceci correspond à une hypothèse proposée à un jugement, etc., etc.


Mais pour pouvoir dire qu'un point est noir ou blanc, il me faut tout d'abord savoir quand un point sera dit blanc et quand il sera dit noir; pour pouvoir dire « p » est vrai (ou faux), il me faut avoir déterminé en quelles circonstances j'appelle « p » vraie, et par là je détermine le sens de la proposition.
Mais pour pouvoir dire qu'un point est noir ou blanc, il me faut tout d'abord savoir quand un point sera dit blanc et quand il sera dit noir; pour pouvoir dire «&nbsp;p&nbsp;» est vrai (ou faux), il me faut avoir déterminé en quelles circonstances j'appelle «&nbsp;p&nbsp;» vraie, et par là je détermine le sens de la proposition.


Le point où la métaphore cloche c'est alors celui-ci : nous pouvons montrer un point de la feuille de papier sans savoir s'il est blanc ou noir; tandis qu'une proposition détachée de son sens ne correspond à rien, car elle ne dénote aucune chose (valeur de vérité) dont les qualités puissent être dites vraies ou fausses; le verbe d'une proposition n'est pas « est vrai » ou « est faux », comme le croyait Frege, – mais il faut que ce qui « est vrai » contienne déjà le verbe.
Le point où la métaphore cloche c'est alors celui-ci&nbsp;: nous pouvons montrer un point de la feuille de papier sans savoir s'il est blanc ou noir; tandis qu'une proposition détachée de son sens ne correspond à rien, car elle ne dénote aucune chose (valeur de vérité) dont les qualités puissent être dites vraies ou fausses; le verbe d'une proposition n'est pas «&nbsp;est vrai&nbsp;» ou «&nbsp;est faux&nbsp;», comme le croyait Frege, – mais il faut que ce qui «&nbsp;est vrai&nbsp;» contienne déjà le verbe.


'''4.064''' Toute proposition doit ''déjà'' avoir un sens; l'assertion ne peut le lui donner, car ce qu'elle affirme c'est justement ce sens lui-même. Et cela vaut de même pour la négation, etc.
'''4.064''' Toute proposition doit ''déjà'' avoir un sens; l'assertion ne peut le lui donner, car ce qu'elle affirme c'est justement ce sens lui-même. Et cela vaut de même pour la négation, etc.


'''4.0641''' On pourrait dire : la négation se rapporte déjà au lieu logique que la proposition niée détermine.
'''4.0641''' On pourrait dire&nbsp;: la négation se rapporte déjà au lieu logique que la proposition niée détermine.


La proposition négative détermine un ''autre'' lieu logique que la proposition niée.
La proposition négative détermine un ''autre'' lieu logique que la proposition niée.
Line 636: Line 636:
'''4.111''' La philosophie n'est pas une science de la nature.
'''4.111''' La philosophie n'est pas une science de la nature.


(Le mot « philosophie » doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous des sciences de la nature, mais pas à leur côté.)
(Le mot «&nbsp;philosophie&nbsp;» doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous des sciences de la nature, mais pas à leur côté.)


'''4.112''' Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées.
'''4.112''' Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées.
Line 644: Line 644:
Une œuvre philosophique se compose essentiellement d'éclaircissements.
Une œuvre philosophique se compose essentiellement d'éclaircissements.


Le résultat de la philosophie n'est pas de produire des « propositions philosophiques », mais de rendre claires les propositions.
Le résultat de la philosophie n'est pas de produire des «&nbsp;propositions philosophiques&nbsp;», mais de rendre claires les propositions.


La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses.
La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses.
Line 664: Line 664:
'''4.116''' Tout ce qui peut proprement être pensé peut être exprimé. Tout ce qui se laisse exprimer se laisse exprimer clairement.
'''4.116''' Tout ce qui peut proprement être pensé peut être exprimé. Tout ce qui se laisse exprimer se laisse exprimer clairement.


'''4.12''' La proposition peut figurer la totalité de la réalité, mais elle ne peut figurer ce qu'elle doit avoir de commun avec la réalité pour pouvoir figurer celle-ci : la forme logique.
'''4.12''' La proposition peut figurer la totalité de la réalité, mais elle ne peut figurer ce qu'elle doit avoir de commun avec la réalité pour pouvoir figurer celle-ci&nbsp;: la forme logique.


Pour pouvoir figurer la forme logique, il faudrait que nous puissions, avec la proposition, nous placer en dehors de la logique, c'est-à-dire en dehors du monde.
Pour pouvoir figurer la forme logique, il faudrait que nous puissions, avec la proposition, nous placer en dehors de la logique, c'est-à-dire en dehors du monde.
Line 678: Line 678:
Elle l'indique.
Elle l'indique.


'''4.1211''' C'est ainsi que la proposition « fa » montre que dans son sens l'objet a apparaît; les deux propositions « fa » et « ga » montrent que dans toutes les deux il est question du même objet a.
'''4.1211''' C'est ainsi que la proposition «&nbsp;fa&nbsp;» montre que dans son sens l'objet a apparaît; les deux propositions «&nbsp;fa&nbsp;» et «&nbsp;ga&nbsp;» montrent que dans toutes les deux il est question du même objet a.


Si deux propositions sont contradictoires, leur structure le montre; de même si l'une est la conséquence de l'autre, etc.
Si deux propositions sont contradictoires, leur structure le montre; de même si l'une est la conséquence de l'autre, etc.
Line 688: Line 688:
'''4.122''' Nous pouvons en un certain sens parler de propriétés formelles des objets et des états de choses, et respectivement des propriétés de structure des faits, et dans le même sens de relations formelles et de relations entre structures.
'''4.122''' Nous pouvons en un certain sens parler de propriétés formelles des objets et des états de choses, et respectivement des propriétés de structure des faits, et dans le même sens de relations formelles et de relations entre structures.


(Au lieu de propriété d'une structure, je parle aussi de « propriété interne »; au lieu de relation des structures, « relation interne ».
(Au lieu de propriété d'une structure, je parle aussi de «&nbsp;propriété interne&nbsp;»; au lieu de relation des structures, «&nbsp;relation interne&nbsp;».


J'introduis ces expressions en vue de montrer la raison de la confusion largement répandue chez les philosophes entre les relations internes et les relations proprement dites (externes).)
J'introduis ces expressions en vue de montrer la raison de la confusion largement répandue chez les philosophes entre les relations internes et les relations proprement dites (externes).)
Line 700: Line 700:
(Cette nuance de bleu et cette autre sont ipso facto dans une relation interne de plus clair à plus foncé. Il est impensable que ''ces'' deux objets ne soient pas dans cette relation.)
(Cette nuance de bleu et cette autre sont ipso facto dans une relation interne de plus clair à plus foncé. Il est impensable que ''ces'' deux objets ne soient pas dans cette relation.)


(Ici, à l'usage incertain des mots « propriété » et « relation » correspond l'usage incertain du mot « objet ».)
(Ici, à l'usage incertain des mots «&nbsp;propriété&nbsp;» et «&nbsp;relation&nbsp;» correspond l'usage incertain du mot «&nbsp;objet&nbsp;».)


'''4.124''' La subsistance d'une propriété interne d'une situation possible n'est pas exprimée par une proposition, mais elle s'exprime dans la proposition qui présente cette situation par une propriété interne de cette proposition.
'''4.124''' La subsistance d'une propriété interne d'une situation possible n'est pas exprimée par une proposition, mais elle s'exprime dans la proposition qui présente cette situation par une propriété interne de cette proposition.
Line 710: Line 710:
'''4.125''' La subsistance d'une relation interne entre deux situations possibles s'exprime dans le langage au moyen d'une relation interne entre les propositions qui la figurent.
'''4.125''' La subsistance d'une relation interne entre deux situations possibles s'exprime dans le langage au moyen d'une relation interne entre les propositions qui la figurent.


'''4.1251''' Ainsi se trouve réglée la question débattue de savoir si « toutes les relations sont internes ou externes ».
'''4.1251''' Ainsi se trouve réglée la question débattue de savoir si «&nbsp;toutes les relations sont internes ou externes&nbsp;».


'''4.1252''' Les séries qui sont ordonnées par des relations ''internes'', je les nomme séries de formes.
'''4.1252''' Les séries qui sont ordonnées par des relations ''internes'', je les nomme séries de formes.
Line 718: Line 718:
De même la série des propositions
De même la série des propositions


:« aRb »
&nbsp;aRb&nbsp;»


:« (∃ x) : aRx . xRb »,
&nbsp;(∃ x)&nbsp;: aRx . xRb&nbsp;»,


:« (∃ x,y) : aRx . xRy . yRb », etc.
&nbsp;(∃ x,y)&nbsp;: aRx . xRy . yRb&nbsp;», etc.


(Si b est dans une de ces relations avec a, je nomme b un successeur de a.)
(Si b est dans une de ces relations avec a, je nomme b un successeur de a.)
Line 750: Line 750:
'''4.1272''' Ainsi le nom variable «x» est le signe propre du pseudo-concept ''objet''.
'''4.1272''' Ainsi le nom variable «x» est le signe propre du pseudo-concept ''objet''.


Chaque fois que le mot « objet » (« chose », « entité », etc.) est correctement employé, il est exprimé dans l'idéographie par le moyen du nom variable.
Chaque fois que le mot «&nbsp;objet&nbsp;» («&nbsp;chose&nbsp;», «&nbsp;entité&nbsp;», etc.) est correctement employé, il est exprimé dans l'idéographie par le moyen du nom variable.


Par exemple dans la proposition : « Il y a deux objets qui... », au moyen de « (∃ x,y)... »
Par exemple dans la proposition&nbsp;: «&nbsp;Il y a deux objets qui...&nbsp;», au moyen de «&nbsp;(∃ x,y)...&nbsp;»


Chaque fois qu'il en est autrement, qu'il est donc utilisé comme nom de concept propre, naissent des pseudo-propositions dépourvues de sens.
Chaque fois qu'il en est autrement, qu'il est donc utilisé comme nom de concept propre, naissent des pseudo-propositions dépourvues de sens.


Ainsi ne peut-on dire : « Il y a des objets », comme on dit par exemple : « Il y a des livres. » Et encore moins : « Il y a 100 objets »; ou : « Il y a ℵ<sub>0</sub> objets. »
Ainsi ne peut-on dire&nbsp;: «&nbsp;Il y a des objets&nbsp;», comme on dit par exemple&nbsp;: «&nbsp;Il y a des livres.&nbsp;» Et encore moins&nbsp;: «&nbsp;Il y a 100 objets&nbsp;»; ou&nbsp;: «&nbsp;Il y a ℵ<sub>0</sub> objets.&nbsp;»


Et il est dépourvu de sens de parler du ''nombre de tous les objets''.
Et il est dépourvu de sens de parler du ''nombre de tous les objets''.


Il en est de même pour les mots « complexe », « fait », « fonction », « nombre », etc.
Il en est de même pour les mots «&nbsp;complexe&nbsp;», «&nbsp;fait&nbsp;», «&nbsp;fonction&nbsp;», «&nbsp;nombre&nbsp;», etc.


Tous dénotent des concepts formels et sont présentés dans l'idéographie par des variables, et non par des fonctions ou des classes. (Comme le croyaient Frege et Russell.)
Tous dénotent des concepts formels et sont présentés dans l'idéographie par des variables, et non par des fonctions ou des classes. (Comme le croyaient Frege et Russell.)


Des expressions comme : « 1 est un nombre », « Il n'y a qu'un seul zéro », et toutes celles du même genre sont dépourvues de sens.
Des expressions comme&nbsp;: «&nbsp;1 est un nombre&nbsp;», «&nbsp;Il n'y a qu'un seul zéro&nbsp;», et toutes celles du même genre sont dépourvues de sens.


(Il est tout aussi dépourvu de sens de dire : « Il n'y a qu'un seul 1 » qu'il serait dépourvu de sens de dire : « 2 + 2 est, à 3 heures, égal à 4. »)
(Il est tout aussi dépourvu de sens de dire&nbsp;: «&nbsp;Il n'y a qu'un seul 1&nbsp;» qu'il serait dépourvu de sens de dire&nbsp;: «&nbsp;2 + 2 est, à 3 heures, égal à 4.&nbsp;»)


'''4.12721''' Le concept formel est immédiatement donné avec un objet qui tombe sous lui. On ne peut donc à la fois introduire comme concepts fondamentaux les objets d'un concept formel ''et'' le concept formel lui-même. On ne peut donc, par exemple, introduire comme concepts fondamentaux à la fois le concept de fonction et des fonctions particulières (comme fait Russell); ou le concept de nombre et des nombres déterminés.
'''4.12721''' Le concept formel est immédiatement donné avec un objet qui tombe sous lui. On ne peut donc à la fois introduire comme concepts fondamentaux les objets d'un concept formel ''et'' le concept formel lui-même. On ne peut donc, par exemple, introduire comme concepts fondamentaux à la fois le concept de fonction et des fonctions particulières (comme fait Russell); ou le concept de nombre et des nombres déterminés.


'''4.1273''' Si nous voulons exprimer dans l'idéographie la proposition générale : « b est un successeur de a », nous avons alors besoin d'une expression pour le terme général de la série de formes :
'''4.1273''' Si nous voulons exprimer dans l'idéographie la proposition générale&nbsp;: «&nbsp;b est un successeur de a&nbsp;», nous avons alors besoin d'une expression pour le terme général de la série de formes&nbsp;:


:aRb,
:aRb,


:(∃x) : aRx . xRb,
:(∃x)&nbsp;: aRx . xRb,


:(∃ x,y) : aRx . xRy . yRb...
:(∃ x,y)&nbsp;: aRx . xRy . yRb...


Le terme général d'une série de formes ne peut être exprimé que par une variable, car le concept de terme de cette série de formes est un concept ''formel''. (Ce qui a échappé à Frege et Russell; la manière dont ils veulent exprimer des propositions générales comme celles de l'exemple ci-dessus est par conséquent fausse; elle renferme un cercle vicieux.)
Le terme général d'une série de formes ne peut être exprimé que par une variable, car le concept de terme de cette série de formes est un concept ''formel''. (Ce qui a échappé à Frege et Russell; la manière dont ils veulent exprimer des propositions générales comme celles de l'exemple ci-dessus est par conséquent fausse; elle renferme un cercle vicieux.)
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'''4.1274''' La question de l'existence<ref>''Existenz''.</ref> d'un concept formel est dépourvue de sens car aucune proposition ne peut répondre à une telle question.
'''4.1274''' La question de l'existence<ref>''Existenz''.</ref> d'un concept formel est dépourvue de sens car aucune proposition ne peut répondre à une telle question.


(On ne peut donc demander, par exemple : « Y a-t-il des propositions de la forme sujet-prédicat qui soient non analysables? »)
(On ne peut donc demander, par exemple&nbsp;: «&nbsp;Y a-t-il des propositions de la forme sujet-prédicat qui soient non analysables?&nbsp;»)


'''4.128''' Les formes logiques n'''ont pas de nombre''.
'''4.128''' Les formes logiques n'''ont pas de nombre''.
Line 806: Line 806:
'''4.23''' Le nom n'apparaît dans la proposition que lié dans la proposition élémentaire.
'''4.23''' Le nom n'apparaît dans la proposition que lié dans la proposition élémentaire.


'''4.24''' Les noms sont les symboles simples, je les indique par des lettres simples (« x », « y », « z »).
'''4.24''' Les noms sont les symboles simples, je les indique par des lettres simples («&nbsp;x&nbsp;», «&nbsp;y&nbsp;», «&nbsp;z&nbsp;»).


J'écris la proposition élémentaire comme fonction de noms, sous la forme : « fx », « φ(x,y) », etc.
J'écris la proposition élémentaire comme fonction de noms, sous la forme&nbsp;: «&nbsp;fx&nbsp;», «&nbsp;φ(x,y)&nbsp;», etc.


Ou bien je l'indique au moyen des lettres p, q, r.
Ou bien je l'indique au moyen des lettres p, q, r.


'''4.241''' Si j'utilise deux signes pour une même signification, j'exprime ceci en posant entre les deux le signe « = ».
'''4.241''' Si j'utilise deux signes pour une même signification, j'exprime ceci en posant entre les deux le signe «&nbsp;=&nbsp;».


« a = b » veut donc dire : le signe « a » peut être remplacé par le signe « b ».
«&nbsp;a = b&nbsp;» veut donc dire&nbsp;: le signe «&nbsp;a&nbsp;» peut être remplacé par le signe «&nbsp;b&nbsp;».


(Si j'introduis par le moyen d'une équation un nouveau signe « b », en déterminant qu'il doit remplacer un signe « a » déjà connu, j'écris alors l'égalité – une définition – (comme Russell) sous la forme : « a = b Déf. ». La définition est une règle concernant les signes.)
(Si j'introduis par le moyen d'une équation un nouveau signe «&nbsp;b&nbsp;», en déterminant qu'il doit remplacer un signe «&nbsp;a&nbsp;» déjà connu, j'écris alors l'égalité – une définition – (comme Russell) sous la forme&nbsp;: «&nbsp;a = b Déf.&nbsp;». La définition est une règle concernant les signes.)


'''4.242''' Les expressions de la forme « a = b » ne sont donc que des auxiliaires de la figuration; elles ne disent rien quant aux significations des signes « a », « b ».
'''4.242''' Les expressions de la forme «&nbsp;a = b&nbsp;» ne sont donc que des auxiliaires de la figuration; elles ne disent rien quant aux significations des signes «&nbsp;a&nbsp;», «&nbsp;b&nbsp;».


'''4.243''' Pouvons-nous comprendre deux noms sans savoir s'ils désignent la même chose ou deux choses différentes? – Pouvons-nous comprendre une proposition où apparaissent deux noms, sans savoir s'ils ont même signification ou des significations différentes?
'''4.243''' Pouvons-nous comprendre deux noms sans savoir s'ils désignent la même chose ou deux choses différentes? – Pouvons-nous comprendre une proposition où apparaissent deux noms, sans savoir s'ils ont même signification ou des significations différentes?
Line 824: Line 824:
Si je connais la signification d'un mot anglais et de son équivalent allemand, il est impossible que je ne sache pas qu'ils sont équivalents; il est impossible que je ne puisse les traduire l'un par l'autre.
Si je connais la signification d'un mot anglais et de son équivalent allemand, il est impossible que je ne sache pas qu'ils sont équivalents; il est impossible que je ne puisse les traduire l'un par l'autre.


Des expressions comme « a = , ou celles qui en dérivent, ne sont ni des propositions élémentaires, ni même des signes pourvus de sens<ref>''sinnvolle''.</ref>. (Ceci se montrera plus tard.)
Des expressions comme «&nbsp;a = a&nbsp;», ou celles qui en dérivent, ne sont ni des propositions élémentaires, ni même des signes pourvus de sens<ref>''sinnvolle''.</ref>. (Ceci se montrera plus tard.)


'''4.25''' Si la proposition élémentaire est vraie, l'état de choses subsiste; si la proposition élémentaire est fausse, l'état de choses ne subsiste pas.
'''4.25''' Si la proposition élémentaire est vraie, l'état de choses subsiste; si la proposition élémentaire est fausse, l'état de choses ne subsiste pas.
Line 830: Line 830:
'''4.26''' La donnée de toutes les propositions élémentaires vraies décrit complètement le monde. Le monde est complètement décrit par la donnée de toutes les propositions élémentaires, plus la donnée de celles qui sont vraies et de celles qui sont fausses.
'''4.26''' La donnée de toutes les propositions élémentaires vraies décrit complètement le monde. Le monde est complètement décrit par la donnée de toutes les propositions élémentaires, plus la donnée de celles qui sont vraies et de celles qui sont fausses.


'''4.27''' Concernant la subsistance et la non-subsistance de n états de choses, il y a :
'''4.27''' Concernant la subsistance et la non-subsistance de n états de choses, il y a&nbsp;:


<math>K_n = \sum_{\nu=0}^n \binom{n}{\nu}</math> possibilités<ref>Wittgenstein note par le symbole <math>\binom{n}{\nu}</math> le nombre des combinaisons de n objets ν à ν, soit :<br />
<math>K_n = \sum_{\nu=0}^n \binom{n}{\nu}</math> possibilités<ref>Wittgenstein note par le symbole <math>\binom{n}{\nu}</math> le nombre des combinaisons de n objets ν à ν, soit&nbsp;:<br />
<math>\frac{n!}{\nu! (n - \nu)!}</math><br />
<math>\frac{n!}{\nu! (n - \nu)!}</math><br />
Il y a en tout : <math>\sum_{\nu=0}^n \binom{n}{\nu} = 2^n = K_n</math> situations possibles.<br />
Il y a en tout&nbsp;: <math>\sum_{\nu=0}^n \binom{n}{\nu} = 2^n = K_n</math> situations possibles.<br />
Il additionne en effet les nombres de combinaisons de n propositions (ou états de choses) dans lesquelles entrent 0, 1, 2,... ν propositions vraies (ou états de choses subsistants). Le calcul direct usuel du nombre des ''arrangements'' des 2 objets V et F n à n avec répétition est apparemment plus intuitif.</ref>.
Il additionne en effet les nombres de combinaisons de n propositions (ou états de choses) dans lesquelles entrent 0, 1, 2,... ν propositions vraies (ou états de choses subsistants). Le calcul direct usuel du nombre des ''arrangements'' des 2 objets V et F n à n avec répétition est apparemment plus intuitif.</ref>.


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'''4.3''' Les possibilités de vérité des propositions élémentaires signifient les possibilités de subsistance ou de non-subsistance des états de choses.
'''4.3''' Les possibilités de vérité des propositions élémentaires signifient les possibilités de subsistance ou de non-subsistance des états de choses.


'''4.31''' On peut figurer les possibilités de vérité au moyen de schémas du type suivant (« V » signifie « vrai », « F » signifie « faux »; les lignes de « V » et de « F » sous la ligne de propositions élémentaires signifient, selon un symbolisme facile à comprendre, leurs possibilités de vérité) :
'''4.31''' On peut figurer les possibilités de vérité au moyen de schémas du type suivant («&nbsp;V&nbsp;» signifie «&nbsp;vrai&nbsp;», «&nbsp;F&nbsp;» signifie «&nbsp;faux&nbsp;»; les lignes de «&nbsp;V&nbsp;» et de «&nbsp;F&nbsp;» sous la ligne de propositions élémentaires signifient, selon un symbolisme facile à comprendre, leurs possibilités de vérité)&nbsp;:


{{TLP 4.31 fr}}
{{TLP 4.31 fr}}
Line 853: Line 853:
'''4.411''' Il est d'ores et déjà vraisemblable que l'introduction des propositions élémentaires est fondamentale pour la compréhension de toute autre espèce de propositions. En fait, la compréhension des propositions en général dépend visiblement de celle des propositions élémentaires.
'''4.411''' Il est d'ores et déjà vraisemblable que l'introduction des propositions élémentaires est fondamentale pour la compréhension de toute autre espèce de propositions. En fait, la compréhension des propositions en général dépend visiblement de celle des propositions élémentaires.


'''4.42''' Concernant l'accord et le désaccord d'une proposition avec les possibilités de vérité de n propositions élémentaires, il y a :
'''4.42''' Concernant l'accord et le désaccord d'une proposition avec les possibilités de vérité de n propositions élémentaires, il y a&nbsp;:


<math>\sum_{\kappa=0}^{K_n} \binom{K_n}{\kappa} = L_n</math><ref>D'après le calcul de la note précédente L = 2 exp 2<sup>n</sup>. Il s'agit alors en fait de dénombrer les connecteurs logiques de n propositions. On additionne les nombres de situations de n propositions comportant 0, 1, 2,... K<sub>n</sub> combinaisons vraies. L'intérêt de ce calcul peu intuitif est qu'il est formellement identique au précédent, le nombre K<sub>n</sub> des situations remplaçant le nombre n des propositions.</ref> possibilités.
<math>\sum_{\kappa=0}^{K_n} \binom{K_n}{\kappa} = L_n</math><ref>D'après le calcul de la note précédente L = 2 exp 2<sup>n</sup>. Il s'agit alors en fait de dénombrer les connecteurs logiques de n propositions. On additionne les nombres de situations de n propositions comportant 0, 1, 2,... K<sub>n</sub> combinaisons vraies. L'intérêt de ce calcul peu intuitif est qu'il est formellement identique au précédent, le nombre K<sub>n</sub> des situations remplaçant le nombre n des propositions.</ref> possibilités.


'''4.43''' L'accord avec les possibilités de vérité peut être exprimé en adjoignant à celles-ci, dans le schéma, par exemple la marque « V » (vrai).
'''4.43''' L'accord avec les possibilités de vérité peut être exprimé en adjoignant à celles-ci, dans le schéma, par exemple la marque «&nbsp;V&nbsp;» (vrai).


L'absence de cette marque signifie la non-concordance.
L'absence de cette marque signifie la non-concordance.
Line 863: Line 863:
'''4.431''' L'expression de l'accord et du désaccord avec les possibilités de vérité des propositions élémentaires exprime les conditions de vérité d'une proposition.
'''4.431''' L'expression de l'accord et du désaccord avec les possibilités de vérité des propositions élémentaires exprime les conditions de vérité d'une proposition.


La proposition est l'expression de ses conditions de vérité. (Frege a donc eu tout à fait raison de les faire précéder par l'explication des signes de sa langue symbolique. Seulement l'explication du concept de vérité est chez Frege erronée : si « le vrai » et « le faux » étaient réellement des objets, et les arguments dans ~p etc, alors le sens de « ~p » ne serait en aucune manière déterminé par la détermination de Frege.)
La proposition est l'expression de ses conditions de vérité. (Frege a donc eu tout à fait raison de les faire précéder par l'explication des signes de sa langue symbolique. Seulement l'explication du concept de vérité est chez Frege erronée&nbsp;: si «&nbsp;le vrai&nbsp;» et «&nbsp;le faux&nbsp;» étaient réellement des objets, et les arguments dans ~p etc, alors le sens de «&nbsp;~p&nbsp;» ne serait en aucune manière déterminé par la détermination de Frege.)


'''4.44''' Le signe qui naît de l'adjonction de la marque « V » et des possibilités de vérité est un signe propositionnel.
'''4.44''' Le signe qui naît de l'adjonction de la marque «&nbsp;V&nbsp;» et des possibilités de vérité est un signe propositionnel.


'''4.441''' Il est clair qu'au complexe des signes «F» et « V » aucun objet (ou complexe d'objets) ne correspond; pas plus qu'aux traits horizontaux ou aux traits verticaux ou aux parenthèses. – Il n'y a pas d'« objets logiques ».
'''4.441''' Il est clair qu'au complexe des signes «F» et «&nbsp;V&nbsp;» aucun objet (ou complexe d'objets) ne correspond; pas plus qu'aux traits horizontaux ou aux traits verticaux ou aux parenthèses. – Il n'y a pas d'«&nbsp;objets logiques&nbsp;».


Il en est naturellement de même pour tous les signes qui expriment la même chose que les schémas des « V » et des « F ».
Il en est naturellement de même pour tous les signes qui expriment la même chose que les schémas des «&nbsp;V&nbsp;» et des «&nbsp;F&nbsp;».


'''4.442''' Par exemple :
'''4.442''' Par exemple&nbsp;:


{{TLP 4.442 fr}}
{{TLP 4.442 fr}}
Line 877: Line 877:
est un signe propositionnel.
est un signe propositionnel.


(Le « signe de jugement » frégéen «<math>\vdash</math>» est dépourvu de signification logique; il montre simplement chez Frege (et Russell) que ces auteurs tiennent pour vraies les propositions ainsi désignées. «<math>\vdash</math>» n'appartient donc pas davantage à la construction propositionnelle que, par exemple, son numéro. Il n'est pas possible qu'une proposition dise d'elle-même qu'elle est vraie.)
(Le «&nbsp;signe de jugement&nbsp;» frégéen «<math>\vdash</math>» est dépourvu de signification logique; il montre simplement chez Frege (et Russell) que ces auteurs tiennent pour vraies les propositions ainsi désignées. «<math>\vdash</math>» n'appartient donc pas davantage à la construction propositionnelle que, par exemple, son numéro. Il n'est pas possible qu'une proposition dise d'elle-même qu'elle est vraie.)


Si la suite des possibilités de vérité dans le schéma est une fois pour toute fixée par une règle de combinaison, la dernière colonne suffit à exprimer les conditions de vérité. En écrivant cette colonne sous forme de ligne, le signe propositionnel devient : « (VV–V) (p,q) » ou plus clairement : « (VVFV) (p,q) ». (Le nombre des places dans les parenthèses de gauche est déterminé par le nombre des membres dans celles de droite.)
Si la suite des possibilités de vérité dans le schéma est une fois pour toute fixée par une règle de combinaison, la dernière colonne suffit à exprimer les conditions de vérité. En écrivant cette colonne sous forme de ligne, le signe propositionnel devient&nbsp;: «&nbsp;(VV–V) (p,q)&nbsp;» ou plus clairement&nbsp;: «&nbsp;(VVFV) (p,q)&nbsp;». (Le nombre des places dans les parenthèses de gauche est déterminé par le nombre des membres dans celles de droite.)


'''4.45''' Pour n propositions élémentaires il y a L<sub>n</sub> groupes possibles de conditions de vérité.
'''4.45''' Pour n propositions élémentaires il y a L<sub>n</sub> groupes possibles de conditions de vérité.
Line 889: Line 889:
Dans l'un d'eux, la proposition est vraie pour toutes les possibilités de vérité des propositions élémentaires. Nous disons que les conditions de vérité sont ''tautologiques''.
Dans l'un d'eux, la proposition est vraie pour toutes les possibilités de vérité des propositions élémentaires. Nous disons que les conditions de vérité sont ''tautologiques''.


Dans le second cas, la proposition est fausse pour toutes les possibilités de vérité : les conditions de vérité sont ''contradictoires''.
Dans le second cas, la proposition est fausse pour toutes les possibilités de vérité&nbsp;: les conditions de vérité sont ''contradictoires''.


Dans le premier cas, nous appelons la proposition tautologie, dans le second cas contradiction.
Dans le premier cas, nous appelons la proposition tautologie, dans le second cas contradiction.
Line 901: Line 901:
(Je ne sais rien du temps qu'il fait par exemple, lorsque je sais ou il pleut ou il ne pleut pas.)
(Je ne sais rien du temps qu'il fait par exemple, lorsque je sais ou il pleut ou il ne pleut pas.)


'''4.4611''' Mais la tautologie et la contradiction ne sont pas dépourvues de sens; elles appartiennent au symbolisme, tout à fait à la manière dont le « 0 » appartient au symbolisme de l'arithmétique.
'''4.4611''' Mais la tautologie et la contradiction ne sont pas dépourvues de sens; elles appartiennent au symbolisme, tout à fait à la manière dont le «&nbsp;0&nbsp;» appartient au symbolisme de l'arithmétique.


'''4.462''' La tautologie et la contradiction ne sont pas des images de la réalité. Elles ne figurent aucune situation possible. Car celle-là permet ''toute'' situation possible, celle-ci ''aucune''.
'''4.462''' La tautologie et la contradiction ne sont pas des images de la réalité. Elles ne figurent aucune situation possible. Car celle-là permet ''toute'' situation possible, celle-ci ''aucune''.
Line 915: Line 915:
'''4.464''' La vérité de la tautologie est certaine, celle d'une proposition est possible, celle de la contradiction impossible.
'''4.464''' La vérité de la tautologie est certaine, celle d'une proposition est possible, celle de la contradiction impossible.


(Certain, possible, impossible : nous avons ici l'indice des degrés dont nous avons besoin dans la théorie des probabilités.)
(Certain, possible, impossible&nbsp;: nous avons ici l'indice des degrés dont nous avons besoin dans la théorie des probabilités.)


'''4.465''' Le produit logique d'une tautologie et d'une proposition dit la même chose que cette proposition. Ce produit est donc identique à la proposition. Car on ne peut altérer ce qui est essentiel à un symbole sans altérer son sens.
'''4.465''' Le produit logique d'une tautologie et d'une proposition dit la même chose que cette proposition. Ce produit est donc identique à la proposition. Car on ne peut altérer ce qui est essentiel à un symbole sans altérer son sens.
Line 933: Line 933:
Il est clair que dans la description de la forme la plus générale de la proposition, l'essentiel seul peut être décrit quoi elle ne saurait être la description la plus générale.
Il est clair que dans la description de la forme la plus générale de la proposition, l'essentiel seul peut être décrit quoi elle ne saurait être la description la plus générale.


Qu'il y ait une forme générale de la proposition, ceci le prouve qu'il ne peut y avoir aucune proposition dont on n'aurait pu prévoir la forme (c'est-à-dire la construire). La forme générale de la proposition est : ce qui a lieu est ainsi et ainsi.
Qu'il y ait une forme générale de la proposition, ceci le prouve qu'il ne peut y avoir aucune proposition dont on n'aurait pu prévoir la forme (c'est-à-dire la construire). La forme générale de la proposition est&nbsp;: ce qui a lieu est ainsi et ainsi.


'''4.51''' À supposer que ''toutes'' les propositions élémentaires me soient données, on peut alors simplement demander : quelles propositions puis-je former à partir d'elles? Et la réponse est : ''toutes'' les propositions, ainsi se trouvent-elles délimitées.
'''4.51''' À supposer que ''toutes'' les propositions élémentaires me soient données, on peut alors simplement demander&nbsp;: quelles propositions puis-je former à partir d'elles? Et la réponse est&nbsp;: ''toutes'' les propositions, ainsi se trouvent-elles délimitées.


'''4.52''' Les propositions sont ''tout'' ce qui découle de l'ensemble des propositions élémentaires (naturellement aussi de ce que cet ensemble en est la ''totalité''). (Ainsi pourrait-on dire, en un certain sens, que ''toutes'' les propositions sont des généralisations des propositions élémentaires.)
'''4.52''' Les propositions sont ''tout'' ce qui découle de l'ensemble des propositions élémentaires (naturellement aussi de ce que cet ensemble en est la ''totalité''). (Ainsi pourrait-on dire, en un certain sens, que ''toutes'' les propositions sont des généralisations des propositions élémentaires.)
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'''5.02''' Il est facile de confondre les arguments des fonctions avec les indices des noms. Je reconnais en effet aussi bien sur un argument que sur un indice la signification du signe qui les contient.
'''5.02''' Il est facile de confondre les arguments des fonctions avec les indices des noms. Je reconnais en effet aussi bien sur un argument que sur un indice la signification du signe qui les contient.


Chez Russell « <sub>c</sub> » dans « +<sub>c</sub> » est un indice qui montre que le signe dans son ensemble est le symbole de l'addition pour les cardinaux. Mais cette dénotation repose sur une convention arbitraire, et l'on pourrait, au lieu de « +<sub>c</sub> », choisir un signe simple; dans « ~p » au contraire, « p » n'est pas un indice mais un argument : le sens de « ~p » ''ne peut pas'' être compris sans qu'ait été compris auparavant le sens de « p ». (Dans le nom Julius Caesar, Julius est un indice. L'indice est toujours une partie de la description de l'objet au nom duquel nous l'apposons. Par exemple : le Caesar parmi les membres de la gens Julia.)
Chez Russell «&nbsp;<sub>c</sub>&nbsp;» dans «&nbsp;+<sub>c</sub>&nbsp;» est un indice qui montre que le signe dans son ensemble est le symbole de l'addition pour les cardinaux. Mais cette dénotation repose sur une convention arbitraire, et l'on pourrait, au lieu de «&nbsp;+<sub>c</sub>&nbsp;», choisir un signe simple; dans «&nbsp;~p&nbsp;» au contraire, «&nbsp;p&nbsp;» n'est pas un indice mais un argument&nbsp;: le sens de «&nbsp;~p&nbsp;» ''ne peut pas'' être compris sans qu'ait été compris auparavant le sens de «&nbsp;p&nbsp;». (Dans le nom Julius Caesar, Julius est un indice. L'indice est toujours une partie de la description de l'objet au nom duquel nous l'apposons. Par exemple&nbsp;: le Caesar parmi les membres de la gens Julia.)


C'est la confusion de l'argument et de l'indice qui est à la base, si je ne me trompe, de la théorie de Frege sur la signification des propositions et des fonctions. Pour Frege, les propositions de la logique étaient des noms, et leurs arguments des indices de ces noms.
C'est la confusion de l'argument et de l'indice qui est à la base, si je ne me trompe, de la théorie de Frege sur la signification des propositions et des fonctions. Pour Frege, les propositions de la logique étaient des noms, et leurs arguments des indices de ces noms.
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5.101 Les fonctions de vérité de tout nombre donné de propositions élémentaires peuvent être écrites selon un schéma du type suivant :
5.101 Les fonctions de vérité de tout nombre donné de propositions élémentaires peuvent être écrites selon un schéma du type suivant&nbsp;:


{{TLP 5.101 fr}}
{{TLP 5.101 fr}}
Line 967: Line 967:
'''5.11''' Si les fondements de vérité communs à un certain nombre de propositions sont aussi, pris ensemble, fondements de vérité d'une proposition déterminée, nous disons que la vérité de celle-ci suit de la vérité de celles-là.
'''5.11''' Si les fondements de vérité communs à un certain nombre de propositions sont aussi, pris ensemble, fondements de vérité d'une proposition déterminée, nous disons que la vérité de celle-ci suit de la vérité de celles-là.


'''5.12''' En particulier, la vérité d'une proposition « p » suit de la vérité d'une proposition « q » quand tous les fondements de vérité de la seconde sont fondements de vérité de la première.
'''5.12''' En particulier, la vérité d'une proposition «&nbsp;p&nbsp;» suit de la vérité d'une proposition «&nbsp;q&nbsp;» quand tous les fondements de vérité de la seconde sont fondements de vérité de la première.


'''5.121''' Les fondements de vérité de l'une sont contenus dans ceux de l'autre : p suit de q.
'''5.121''' Les fondements de vérité de l'une sont contenus dans ceux de l'autre&nbsp;: p suit de q.


'''5.122''' Quand p suit de q, le sens de « p » est contenu dans le sens de « q ».
'''5.122''' Quand p suit de q, le sens de «&nbsp;p&nbsp;» est contenu dans le sens de «&nbsp;q&nbsp;».


'''5.123''' Si un dieu crée un monde dans lequel certaines propositions sont vraies, il crée du même coup un monde dans lequel sont valables toutes leurs conséquences. Et de même il ne saurait créer aucun monde où serait vraie la proposition « p » sans créer en même temps tous les objets de celle-ci.
'''5.123''' Si un dieu crée un monde dans lequel certaines propositions sont vraies, il crée du même coup un monde dans lequel sont valables toutes leurs conséquences. Et de même il ne saurait créer aucun monde où serait vraie la proposition «&nbsp;p&nbsp;» sans créer en même temps tous les objets de celle-ci.


'''5.124''' Une proposition affirme toute proposition qui s'ensuit.
'''5.124''' Une proposition affirme toute proposition qui s'ensuit.


'''5.1241''' « p . q » est l'une des propositions qui affirment « et en même temps l'une des propositions qui affirment « q ».
'''5.1241''' «&nbsp;p . q&nbsp;» est l'une des propositions qui affirment «&nbsp;p&nbsp;» et en même temps l'une des propositions qui affirment «&nbsp;q&nbsp;».


Deux propositions sont opposées l'une à l'autre s'il n'y a pas de proposition pourvue de sens qui les affirme toutes deux.
Deux propositions sont opposées l'une à l'autre s'il n'y a pas de proposition pourvue de sens qui les affirme toutes deux.
Line 987: Line 987:
'''5.131''' Si la vérité d'une proposition suit de la vérité d'autres propositions, ceci s'exprime dans les relations qu'ont entre elles leurs formes; et nous n'avons certes nul besoin de les mettre d'abord dans ces relations en les combinant dans une proposition unique, car ces relations sont au contraire internes, et elles subsistent dès que subsistent ces propositions, et par cette subsistance même.
'''5.131''' Si la vérité d'une proposition suit de la vérité d'autres propositions, ceci s'exprime dans les relations qu'ont entre elles leurs formes; et nous n'avons certes nul besoin de les mettre d'abord dans ces relations en les combinant dans une proposition unique, car ces relations sont au contraire internes, et elles subsistent dès que subsistent ces propositions, et par cette subsistance même.


'''5.1311''' Quand nous déduisons q de p v q et ~p, la relation entre les formes des propositions « p v q » et « ~p » est masquée par le mode de description. Mais si nous écrivons, par exemple, au lieu de « p v q », «p l q .l. p l q », et au lieu de « ~p », « p l p » (p I q = ni p ni q), alors l'interdépendance interne devient évidente.
'''5.1311''' Quand nous déduisons q de p v q et ~p, la relation entre les formes des propositions «&nbsp;p v q&nbsp;» et «&nbsp;~p&nbsp;» est masquée par le mode de description. Mais si nous écrivons, par exemple, au lieu de «&nbsp;p v q&nbsp;», «&nbsp;p {{!}} q .{{!}}. p {{!}} q&nbsp;», et au lieu de «&nbsp;~p&nbsp;», «&nbsp;p {{!}} p&nbsp;» (p {{!}} q = ni p ni q), alors l'interdépendance interne devient évidente.


(Que l'on puisse déduire fa de (x). fx montre que la généralité est déjà comprise dans le symbole « (x). fx ».)
(Que l'on puisse déduire fa de (x). fx montre que la généralité est déjà comprise dans le symbole «&nbsp;(x). fx&nbsp;».)


'''5.132''' Si p suit de q, je puis déduire p de q, tirer de q la conséquence p.
'''5.132''' Si p suit de q, je puis déduire p de q, tirer de q la conséquence p.
Line 997: Line 997:
Elles seules peuvent justifier la déduction.
Elles seules peuvent justifier la déduction.


Des « lois de la déduction », qui – comme chez Frege et Russell – doivent justifier les déductions, sont vides de sens, et seraient superflues.
Des «&nbsp;lois de la déduction&nbsp;», qui – comme chez Frege et Russell – doivent justifier les déductions, sont vides de sens, et seraient superflues.


'''5.133''' Toute conséquence est conséquence a priori.
'''5.133''' Toute conséquence est conséquence a priori.
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'''5.1362''' Le libre arbitre consiste en ce que nous ne pouvons connaître maintenant les actions futures. Nous ne pourrions les connaître que si la causalité était une nécessité ''interne'', comme celle de la déduction logique. L'interdépendance du connaître et de ce qui est connu est celle de la nécessité logique.
'''5.1362''' Le libre arbitre consiste en ce que nous ne pouvons connaître maintenant les actions futures. Nous ne pourrions les connaître que si la causalité était une nécessité ''interne'', comme celle de la déduction logique. L'interdépendance du connaître et de ce qui est connu est celle de la nécessité logique.


(« A sait que p a lieu » est vide de sens, si p est une tautologie.)
&nbsp;A sait que p a lieu&nbsp;» est vide de sens, si p est une tautologie.)


'''5.1363''' Si, de ce qu'une proposition est pour nous évidente il ne ''suit'' pas qu'elle est vraie, cette évidence ne constitue pas non plus une justification de notre croyance en sa vérité.
'''5.1363''' Si, de ce qu'une proposition est pour nous évidente il ne ''suit'' pas qu'elle est vraie, cette évidence ne constitue pas non plus une justification de notre croyance en sa vérité.
Line 1,021: Line 1,021:
'''5.141''' Si p suit de q et q suit de p, p et q ne sont qu'une seule et même proposition.
'''5.141''' Si p suit de q et q suit de p, p et q ne sont qu'une seule et même proposition.


'''5.142''' La tautologie suit de toute proposition : elle ne dit rien.
'''5.142''' La tautologie suit de toute proposition&nbsp;: elle ne dit rien.


'''5.143''' La contradiction est ce qui est commun aux propositions, sans qu'aucune proposition l'ait en commun avec une autre. La tautologie est ce qui est commun aux propositions qui n'ont rien de commun entre elles.
'''5.143''' La contradiction est ce qui est commun aux propositions, sans qu'aucune proposition l'ait en commun avec une autre. La tautologie est ce qui est commun aux propositions qui n'ont rien de commun entre elles.
Line 1,029: Line 1,029:
La contradiction est la frontière externe des propositions, la tautologie est leur centre sans substance.
La contradiction est la frontière externe des propositions, la tautologie est leur centre sans substance.


'''5.15''' Si V<sub>r</sub> est le nombre des fondements de vérité de la proposition « r », V<sub>rs</sub> le nombre des fondements de vérité de la proposition « s » qui sont en même temps fondements de vérité de « r », nous nommons alors le rapport V<sub>rs</sub> : V, ''mesure de la probabilité'' que la proposition « r » confère à la proposition « s ».
'''5.15''' Si V<sub>r</sub> est le nombre des fondements de vérité de la proposition «&nbsp;r&nbsp;», V<sub>rs</sub> le nombre des fondements de vérité de la proposition «&nbsp;s&nbsp;» qui sont en même temps fondements de vérité de «&nbsp;r&nbsp;», nous nommons alors le rapport V<sub>rs</sub>&nbsp;: V, ''mesure de la probabilité'' que la proposition «&nbsp;r&nbsp;» confère à la proposition «&nbsp;s&nbsp;».


'''5.151''' Dans un schéma comme celui de [[Private:Tractatus logico-philosophicus (français)#5.101|5.101]], soit V<sub>r</sub> le nombre des « V » de la proposition r; V<sub>rs</sub> le nombre des « V » de la proposition s qui correspondent, dans une même colonne à des « V » de la proposition r. La proposition r confère alors à la proposition s la probabilité V<sub>rs</sub> : V<sub>r</sub>.
'''5.151''' Dans un schéma comme celui de [[Private:Tractatus logico-philosophicus (français)#5.101|5.101]], soit V<sub>r</sub> le nombre des «&nbsp;V&nbsp;» de la proposition r; V<sub>rs</sub> le nombre des «&nbsp;V&nbsp;» de la proposition s qui correspondent, dans une même colonne à des «&nbsp;V&nbsp;» de la proposition r. La proposition r confère alors à la proposition s la probabilité V<sub>rs</sub>&nbsp;: V<sub>r</sub>.


'''5.1511''' Il n'y a pas d'objet particulier propre aux propositions de probabilité.
'''5.1511''' Il n'y a pas d'objet particulier propre aux propositions de probabilité.
Line 1,039: Line 1,039:
Deux propositions élémentaires se confèrent mutuellement la probabilité 1/2.
Deux propositions élémentaires se confèrent mutuellement la probabilité 1/2.


Si p suit de q, la proposition « q » confère à la proposition « p » la probabilité 1. La certitude de la déduction logique est un cas limite de la probabilité.
Si p suit de q, la proposition «&nbsp;q&nbsp;» confère à la proposition «&nbsp;p&nbsp;» la probabilité 1. La certitude de la déduction logique est un cas limite de la probabilité.


(Application à la tautologie et à la contradiction.)
(Application à la tautologie et à la contradiction.)
Line 1,049: Line 1,049:
Il ne s'agit donc pas là d'une propriété mathématique.
Il ne s'agit donc pas là d'une propriété mathématique.


Si maintenant je dis : il est également probable que je tirerai une boule blanche ou une boule noire, cela signifie : toutes les circonstances de moi connues (y compris les lois de la nature prises comme hypothèses) ne confèrent pas à la production de l'un de ces événements plus de probabilité qu'à la production de l'autre. C'est-à-dire qu'elles donnent à chacun – comme on le conclut aisément des explications précédentes – la probabilité 1/2.
Si maintenant je dis&nbsp;: il est également probable que je tirerai une boule blanche ou une boule noire, cela signifie&nbsp;: toutes les circonstances de moi connues (y compris les lois de la nature prises comme hypothèses) ne confèrent pas à la production de l'un de ces événements plus de probabilité qu'à la production de l'autre. C'est-à-dire qu'elles donnent à chacun – comme on le conclut aisément des explications précédentes – la probabilité 1/2.


Ce que je confirme par cette épreuve, c'est que la production des deux événements est indépendante des circonstances que je ne connais pas plus exactement.
Ce que je confirme par cette épreuve, c'est que la production des deux événements est indépendante des circonstances que je ne connais pas plus exactement.


'''5.155''' La proposition élémentaire de probabilité<ref>''Die Einheit des Wahrscheinlichkeitssatzes''.</ref> est : les circonstances – dont je n'ai pas par ailleurs une connaissance plus poussée – confèrent à la production d'un événement déterminé tel ou tel degré de probabilité.
'''5.155''' La proposition élémentaire de probabilité<ref>''Die Einheit des Wahrscheinlichkeitssatzes''.</ref> est&nbsp;: les circonstances – dont je n'ai pas par ailleurs une connaissance plus poussée – confèrent à la production d'un événement déterminé tel ou tel degré de probabilité.


'''5.156''' C'est ainsi que la probabilité est une généralisation.
'''5.156''' C'est ainsi que la probabilité est une généralisation.
Line 1,095: Line 1,095:
'''5.241''' Une opération n'est pas la marque d'une forme, mais seulement de la différence entre des formes.
'''5.241''' Une opération n'est pas la marque d'une forme, mais seulement de la différence entre des formes.


'''5.242''' La même opération qui produit « q » à partir de « p », produit « r » à partir de « q », et ainsi de suite. On ne peut exprimer ceci que par le trait de « p », « q », « r », etc., d'être des variables qui donnent une expression générale à certaines relations formelles.
'''5.242''' La même opération qui produit «&nbsp;q&nbsp;» à partir de «&nbsp;p&nbsp;», produit «&nbsp;r&nbsp;» à partir de «&nbsp;q&nbsp;», et ainsi de suite. On ne peut exprimer ceci que par le trait de «&nbsp;p&nbsp;», «&nbsp;q&nbsp;», «&nbsp;r&nbsp;», etc., d'être des variables qui donnent une expression générale à certaines relations formelles.


'''5.25''' L'occurrence de l'opération ne caractérise nullement le sens de la proposition.
'''5.25''' L'occurrence de l'opération ne caractérise nullement le sens de la proposition.
Line 1,107: Line 1,107:
'''5.252''' C'est seulement ainsi que la progression d'un terme à un autre dans une série de formes (de type à type dans les hiérarchies de Russell et Whitehead) est possible. (Russell et Whitehead n'ont pas accordé la possibilité de cette progression mais en ont toujours fait usage.)
'''5.252''' C'est seulement ainsi que la progression d'un terme à un autre dans une série de formes (de type à type dans les hiérarchies de Russell et Whitehead) est possible. (Russell et Whitehead n'ont pas accordé la possibilité de cette progression mais en ont toujours fait usage.)


'''5.2521''' L'application itérée d'une opération à son propre résultat, je l'appelle son application successive (« O'O'O'a » est le résultat de trois applications successives de « O'ξ » à « a ».)
'''5.2521''' L'application itérée d'une opération à son propre résultat, je l'appelle son application successive («&nbsp;O'O'O'a&nbsp;» est le résultat de trois applications successives de «&nbsp;O'ξ&nbsp;» à «&nbsp;a&nbsp;».)


En un sens semblable je parle des applications successives de ''plusieurs'' opérations à un certain nombre de propositions.
En un sens semblable je parle des applications successives de ''plusieurs'' opérations à un certain nombre de propositions.


'''5.2522''' Le terme général d'une série de formes : a, O'a, O'O'a... je l'écris donc ainsi : « [a,x,O'x] ». Cette expression entre crochets est une variable. Le premier terme est le début de la série de formes, le second est la forme d'un terme arbitraire de la série, et le troisième la forme du terme de la série qui suit immédiatement x.
'''5.2522''' Le terme général d'une série de formes&nbsp;: a, O'a, O'O'a... je l'écris donc ainsi&nbsp;: «&nbsp;[a,x,O'x]&nbsp;». Cette expression entre crochets est une variable. Le premier terme est le début de la série de formes, le second est la forme d'un terme arbitraire de la série, et le troisième la forme du terme de la série qui suit immédiatement x.


'''5.2523''' Le concept des applications successives d'une opération est équivalent au concept « et caetera ».
'''5.2523''' Le concept des applications successives d'une opération est équivalent au concept «&nbsp;et caetera&nbsp;».


'''5.253''' Une opération peut inverser l'effet d'une autre opération. Les opérations peuvent mutuellement s'annuler.
'''5.253''' Une opération peut inverser l'effet d'une autre opération. Les opérations peuvent mutuellement s'annuler.


'''5.254''' Une opération peut disparaître (par exemple la négation dans «~~p» : ~~p = p).
'''5.254''' Une opération peut disparaître (par exemple la négation dans «~~p»&nbsp;: ~~p = p).


'''5.3''' Toutes les propositions sont les résultats d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.
'''5.3''' Toutes les propositions sont les résultats d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.
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Chaque proposition est le résultat d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.
Chaque proposition est le résultat d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.


'''5.31''' Les schémas de [[#4.31|4.31]] ont encore une signification quand « p », « q », « r », etc., ne sont pas des propositions élémentaires. Et il est aisé de voir que le signe propositionnel de [[Private:Tractatus logico-philosophicus (français)#4.442|4.442]] exprime encore une unique fonction de vérité de propositions élémentaires, même quand « p » et « q » sont des fonctions de vérité de propositions élémentaires.
'''5.31''' Les schémas de [[#4.31|4.31]] ont encore une signification quand «&nbsp;p&nbsp;», «&nbsp;q&nbsp;», «&nbsp;r&nbsp;», etc., ne sont pas des propositions élémentaires. Et il est aisé de voir que le signe propositionnel de [[Private:Tractatus logico-philosophicus (français)#4.442|4.442]] exprime encore une unique fonction de vérité de propositions élémentaires, même quand «&nbsp;p&nbsp;» et «&nbsp;q&nbsp;» sont des fonctions de vérité de propositions élémentaires.


'''5.32''' Toutes les fonctions de vérité sont des résultats d'applications successives d'un nombre fini d'opérations de vérité sur les propositions élémentaires.
'''5.32''' Toutes les fonctions de vérité sont des résultats d'applications successives d'un nombre fini d'opérations de vérité sur les propositions élémentaires.


'''5.4''' Il devient ici manifeste qu'il n'y a pas d'« objets logiques », de « constantes logiques » (au sens de Frege et Russell).
'''5.4''' Il devient ici manifeste qu'il n'y a pas d'«&nbsp;objets logiques&nbsp;», de «&nbsp;constantes logiques&nbsp;» (au sens de Frege et Russell).


'''5.41''' Car sont identiques entre eux tous les résultats d'opérations de vérité sur des fonctions de vérité, s'ils sont une seule et même fonction de vérité de propositions élémentaires.
'''5.41''' Car sont identiques entre eux tous les résultats d'opérations de vérité sur des fonctions de vérité, s'ils sont une seule et même fonction de vérité de propositions élémentaires.


'''5.42''' Il est évident que ∨, ⊃, etc., ne sont pas des relations au sens de : à droite de, à gauche de, etc.
'''5.42''' Il est évident que ∨, ⊃, etc., ne sont pas des relations au sens de&nbsp;: à droite de, à gauche de, etc.


La possibilité des définitions réciproques des signes logiques « primitifs » de Frege et Russell montre déjà que ce ne sont pas des signes primitifs, et encore mieux qu'ils ne désignent aucune relation.
La possibilité des définitions réciproques des signes logiques «&nbsp;primitifs&nbsp;» de Frege et Russell montre déjà que ce ne sont pas des signes primitifs, et encore mieux qu'ils ne désignent aucune relation.


Et il est patent que le « ⊃ » que nous définissons au moyen de « ~ » et de « ∨ » est identique à celui au moyen duquel nous définissons « ∨ » en usant de « ~ », et que ce « ∨ » est identique au premier. Et ainsi de suite.
Et il est patent que le «&nbsp;&nbsp;» que nous définissons au moyen de «&nbsp;~&nbsp;» et de «&nbsp;&nbsp;» est identique à celui au moyen duquel nous définissons «&nbsp;&nbsp;» en usant de «&nbsp;~&nbsp;», et que ce «&nbsp;&nbsp;» est identique au premier. Et ainsi de suite.


'''5.43''' Qu'à partir du fait p doivent s'ensuivre une infinité d'''autres''<nowiki> faits, à savoir ~~p, ~~~~p, etc., voilà qui est au premier abord à peine croyable. Et il n'est pas moins remarquable que le nombre infini des propositions de la logique (de la mathématique) suivent d'une demi-douzaine de «lois fondamentales ».</nowiki>
'''5.43''' Qu'à partir du fait p doivent s'ensuivre une infinité d'''autres''<nowiki> faits, à savoir ~~p, ~~~~p, etc., voilà qui est au premier abord à peine croyable. Et il n'est pas moins remarquable que le nombre infini des propositions de la logique (de la mathématique) suivent d'une demi-douzaine de «&nbsp;lois fondamentales&nbsp;».</nowiki>


Mais toutes les propositions de la logique disent la même chose. A savoir : rien.
Mais toutes les propositions de la logique disent la même chose. A savoir&nbsp;: rien.


'''5.44''' Les fonctions de vérité ne sont pas des fonctions matérielles.
'''5.44''' Les fonctions de vérité ne sont pas des fonctions matérielles.


Si l'on peut, par exemple, engendrer une affirmation par une double négation, la négation est-elle donc alors en un certain sens contenue dans l'affirmation? « ~~p » nie-t-il ~p, ou affirme-t-il p; ou les deux à la fois?
Si l'on peut, par exemple, engendrer une affirmation par une double négation, la négation est-elle donc alors en un certain sens contenue dans l'affirmation? «&nbsp;~~p&nbsp;» nie-t-il ~p, ou affirme-t-il p; ou les deux à la fois?


La proposition « ~~p » ne traite pas la négation comme un objet; mais la possibilité de la négation est assurément présupposée dans l'affirmation.
La proposition «&nbsp;~~p&nbsp;» ne traite pas la négation comme un objet; mais la possibilité de la négation est assurément présupposée dans l'affirmation.


Et s'il y avait un objet nommé « ~ », « ~~p » devrait dire autre chose que « p ». Car l'une des deux propositions traiterait justement de ~, et l'autre point.
Et s'il y avait un objet nommé «&nbsp;~&nbsp;», «&nbsp;~~p&nbsp;» devrait dire autre chose que «&nbsp;p&nbsp;». Car l'une des deux propositions traiterait justement de ~, et l'autre point.


'''5.441''' Cette disparition des constantes logiques apparentes intervient encore avec «~(∃x) . ~fx» qui dit la même chose que « (x) . fx », ou « (∃x) . fx. x=a » la même chose que « fa ».
'''5.441''' Cette disparition des constantes logiques apparentes intervient encore avec «~(∃x) . ~fx» qui dit la même chose que «&nbsp;(x) . fx&nbsp;», ou «&nbsp;(∃x) . fx. x=a&nbsp;» la même chose que «&nbsp;fa&nbsp;».


'''5.442''' Quand une proposition nous est donnée, sont aussi donnés, ''avec elle'', les résultats de toutes les opérations de vérité qui la prennent pour base.
'''5.442''' Quand une proposition nous est donnée, sont aussi donnés, ''avec elle'', les résultats de toutes les opérations de vérité qui la prennent pour base.
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'''5.45''' S'il y a des signes logiques primitifs, une logique correcte doit rendre claire leur position relative, et justifier leur existence. La construction de la logique ''à partir'' de ses signes primitifs doit être rendue claire.
'''5.45''' S'il y a des signes logiques primitifs, une logique correcte doit rendre claire leur position relative, et justifier leur existence. La construction de la logique ''à partir'' de ses signes primitifs doit être rendue claire.


'''5.451''' Si la logique a des concepts fondamentaux, ils doivent être mutuellement indépendants. Si un concept fondamental est introduit, il doit être introduit dans toutes les connexions dans lesquelles il peut apparaître. On ne peut donc l'introduire d'abord pour l'''une'' d'elles, puis de nouveau pour une autre. Par exemple, si la négation est introduite, nous devons alors la comprendre dans des propositions de la forme « ~p » aussi bien que dans « ~(p ∨ q) », « (∃x) . ~fx », etc. Nous n'avons pas le droit de l'introduire d'abord pour une classe de cas, puis pour les autres, car il demeurerait alors douteux si sa signification dans les deux cas est la même, et l'on ne disposerait d' aucune raison d'user dans les deux cas du même mode de connexion des signes.
'''5.451''' Si la logique a des concepts fondamentaux, ils doivent être mutuellement indépendants. Si un concept fondamental est introduit, il doit être introduit dans toutes les connexions dans lesquelles il peut apparaître. On ne peut donc l'introduire d'abord pour l'''une'' d'elles, puis de nouveau pour une autre. Par exemple, si la négation est introduite, nous devons alors la comprendre dans des propositions de la forme «&nbsp;~p&nbsp;» aussi bien que dans «&nbsp;~(p ∨ q)&nbsp;», «&nbsp;(∃x) . ~fx&nbsp;», etc. Nous n'avons pas le droit de l'introduire d'abord pour une classe de cas, puis pour les autres, car il demeurerait alors douteux si sa signification dans les deux cas est la même, et l'on ne disposerait d' aucune raison d'user dans les deux cas du même mode de connexion des signes.






(En bref, pour l'introduction de signes primitifs, vaut ''mutatis mutandis'' ce que dit Frege (''Lois fondamentales de l'arithmétique'') de l'introduction des signes au moyen de définitions<ref>''Grundgesetze'', I. § 63.; II. § 58., 67. En particulier une définition doit être « complète »; elle doit permettre de donner un sens à l'application du concept à un objet, même si cette application est fausse.
(En bref, pour l'introduction de signes primitifs, vaut ''mutatis mutandis'' ce que dit Frege (''Lois fondamentales de l'arithmétique'') de l'introduction des signes au moyen de définitions<ref>''Grundgesetze'', I. § 63.; II. § 58., 67. En particulier une définition doit être «&nbsp;complète&nbsp;»; elle doit permettre de donner un sens à l'application du concept à un objet, même si cette application est fausse.


</ref>.)
</ref>.)
Line 1,171: Line 1,171:
(C'est ainsi que dans les ''Principia Mathematica'' de Russell et Whitehead des définitions et des lois fondamentales sont données en mots ordinaires. Pourquoi ce soudain usage de mots? Ceci appellerait une justification, qui manque, et doit manquer, car cette façon de procéder est en fait inadmissible.)
(C'est ainsi que dans les ''Principia Mathematica'' de Russell et Whitehead des définitions et des lois fondamentales sont données en mots ordinaires. Pourquoi ce soudain usage de mots? Ceci appellerait une justification, qui manque, et doit manquer, car cette façon de procéder est en fait inadmissible.)


Mais si l'introduction d'un nouvel expédient en un certain endroit se révèle indispensable, on doit aussitôt se demander : où cet expédient doit-il être maintenant constamment appliqué? Sa place en logique doit désormais être expliquée.
Mais si l'introduction d'un nouvel expédient en un certain endroit se révèle indispensable, on doit aussitôt se demander&nbsp;: où cet expédient doit-il être maintenant constamment appliqué? Sa place en logique doit désormais être expliquée.


'''5.453''' Tout nombre, en logique, doit être justifié.
'''5.453''' Tout nombre, en logique, doit être justifié.
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Les hommes ont toujours soupçonné qu'il devait y avoir un domaine de questions dont les réponses seraient – a priori – symétriquement réunies dans une construction close et régulière.
Les hommes ont toujours soupçonné qu'il devait y avoir un domaine de questions dont les réponses seraient – a priori – symétriquement réunies dans une construction close et régulière.


Un domaine où vaut la proposition : ''Simplex sigillum veri''.
Un domaine où vaut la proposition&nbsp;: ''Simplex sigillum veri''.


'''5.46''' Si l'on introduisait correctement les signes logiques, on aurait du même coup déjà introduit le sens de toutes leurs combinaisons; donc, non seulement « p ∨ q », mais encore « ~(p ∨ ~q) », etc., etc. On aurait introduit déjà du même coup l'effet de toutes les seules combinaisons possibles de parenthèses. Et il serait par là devenu clair que les authentiques signes primitifs généraux ne sont pas « p ∨ q », « (∃x) . fx », etc., mais plutôt la forme la plus générale de leurs combinaisons.
'''5.46''' Si l'on introduisait correctement les signes logiques, on aurait du même coup déjà introduit le sens de toutes leurs combinaisons; donc, non seulement «&nbsp;p ∨ q&nbsp;», mais encore «&nbsp;~(p ∨ ~q)&nbsp;», etc., etc. On aurait introduit déjà du même coup l'effet de toutes les seules combinaisons possibles de parenthèses. Et il serait par là devenu clair que les authentiques signes primitifs généraux ne sont pas «&nbsp;p ∨ q&nbsp;», «&nbsp;(∃x) . fx&nbsp;», etc., mais plutôt la forme la plus générale de leurs combinaisons.


'''5.461''' Significative est la circonstance apparemment sans importance de l'exigence de parenthèses pour les pseudo-relations logiques, comme ∨ et ⊃, contrairement aux relations réelles.
'''5.461''' Significative est la circonstance apparemment sans importance de l'exigence de parenthèses pour les pseudo-relations logiques, comme ∨ et ⊃, contrairement aux relations réelles.
Line 1,199: Line 1,199:
'''5.47''' Il est clair que ce qui peut simplement être dit par avance de la forme de toutes les propositions, doit pouvoir se dire ''en une seule fois''.
'''5.47''' Il est clair que ce qui peut simplement être dit par avance de la forme de toutes les propositions, doit pouvoir se dire ''en une seule fois''.


Toutes les opérations logiques sont déjà contenues dans les propositions élémentaires. Car « fa » dit la même chose que : « (∃fx) . fx . x = a ».
Toutes les opérations logiques sont déjà contenues dans les propositions élémentaires. Car «&nbsp;fa&nbsp;» dit la même chose que&nbsp;: «&nbsp;(∃fx) . fx . x = a&nbsp;».


Là où il y a composition, il y a argument et fonction, et avec eux sont présentes toutes les constantes logiques.
Là où il y a composition, il y a argument et fonction, et avec eux sont présentes toutes les constantes logiques.
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'''5.473''' La logique doit prendre soin d'elle-même.
'''5.473''' La logique doit prendre soin d'elle-même.


Si un signe est ''possible'', il est aussi capable de dénoter. En logique, tout ce qui est possible est aussi permis. (« Socrate est identique » ne veut rien dire parce qu'il n'y a aucune propriété appelée « identique ». La proposition est dépourvue de sens, parce que nous n'avons pas effectué une détermination arbitraire, mais non pas parce que le symbole serait illégitime en soi et par soi.)
Si un signe est ''possible'', il est aussi capable de dénoter. En logique, tout ce qui est possible est aussi permis. («&nbsp;Socrate est identique&nbsp;» ne veut rien dire parce qu'il n'y a aucune propriété appelée «&nbsp;identique&nbsp;». La proposition est dépourvue de sens, parce que nous n'avons pas effectué une détermination arbitraire, mais non pas parce que le symbole serait illégitime en soi et par soi.)


En un certain sens, nous ne pouvons nous tromper en logique.
En un certain sens, nous ne pouvons nous tromper en logique.
Line 1,223: Line 1,223:
'''5.4732''' Nous ne pouvons donner à un signe un sens incorrect.
'''5.4732''' Nous ne pouvons donner à un signe un sens incorrect.


'''5.47321''' La devise d'Occam n'est naturellement pas une règle arbitraire, ou justifiée par son succès pratique : elle déclare que les unités ''non nécessaires'' d'un système de signes n'ont aucune signification.
'''5.47321''' La devise d'Occam n'est naturellement pas une règle arbitraire, ou justifiée par son succès pratique&nbsp;: elle déclare que les unités ''non nécessaires'' d'un système de signes n'ont aucune signification.


Des signes qui ont ''un'' seul et même but sont logiquement équivalents, des signes qui n'ont ''aucun'' but sont logiquement sans signification.
Des signes qui ont ''un'' seul et même but sont logiquement équivalents, des signes qui n'ont ''aucun'' but sont logiquement sans signification.


'''5.4733''' Frege dit : toute proposition construite selon les règles doit avoir un sens; et je dis : toute proposition possible est construite selon les règles, et si elle n'a pas de sens, ce ne peut être que parce que l'on n'a pas donné de ''signification'' à certains de ses éléments.
'''5.4733''' Frege dit&nbsp;: toute proposition construite selon les règles doit avoir un sens; et je dis&nbsp;: toute proposition possible est construite selon les règles, et si elle n'a pas de sens, ce ne peut être que parce que l'on n'a pas donné de ''signification'' à certains de ses éléments.


(Même si nous croyons l'avoir fait.)
(Même si nous croyons l'avoir fait.)


Ainsi « Socrate est identique » ne dit rien, parce que le mot « identique » n'a pas reçu de signification en tant qu'''adjectif''. Car lorsqu'il intervient comme signe d'égalité il symbolise de toute autre manière – sa relation de dénotation est autre –, de sorte que dans les deux cas le symbole est tout à fait différent; les deux symboles n'ont en commun que le signe, accidentellement.
Ainsi «&nbsp;Socrate est identique&nbsp;» ne dit rien, parce que le mot «&nbsp;identique&nbsp;» n'a pas reçu de signification en tant qu'''adjectif''. Car lorsqu'il intervient comme signe d'égalité il symbolise de toute autre manière – sa relation de dénotation est autre –, de sorte que dans les deux cas le symbole est tout à fait différent; les deux symboles n'ont en commun que le signe, accidentellement.


'''5.474''' Le nombre des opérations fondamentales nécessaires ne dépend ''que'' de notre notation.
'''5.474''' Le nombre des opérations fondamentales nécessaires ne dépend ''que'' de notre notation.
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'''5.476''' Il est clair qu'il n'est pas question ici d'un ''certain nombre de concepts fondamentaux'' qui doivent être dénotés, mais de l'expression d'une règle.
'''5.476''' Il est clair qu'il n'est pas question ici d'un ''certain nombre de concepts fondamentaux'' qui doivent être dénotés, mais de l'expression d'une règle.


'''5.5''' Chaque fonction de vérité est le résultat d'applications successives de l'opération : (– – – – – V) (ξ,....) à des propositions élémentaires.
'''5.5''' Chaque fonction de vérité est le résultat d'applications successives de l'opération&nbsp;: (– – – – – V) (ξ,....) à des propositions élémentaires.


Cette opération nie l'ensemble des propositions comprises dans les parenthèses de droite, et je la nomme négation de ces propositions.
Cette opération nie l'ensemble des propositions comprises dans les parenthèses de droite, et je la nomme négation de ces propositions.


'''5.501''' Une expression entre parenthèses, dont les membres sont des propositions dont l'ordre est arbitraire, je la note par un signe de la forme « <math>( \bar{\xi} )</math> ». « ξ » est une variable dont les valeurs sont les membres de l'expression entre parenthèses; et la barre au-dessus de la variable note que celle-ci représente l'ensemble de ses valeurs dans les parenthèses.
'''5.501''' Une expression entre parenthèses, dont les membres sont des propositions dont l'ordre est arbitraire, je la note par un signe de la forme «&nbsp;<math>( \bar{\xi} )</math>&nbsp;». «&nbsp;ξ&nbsp;» est une variable dont les valeurs sont les membres de l'expression entre parenthèses; et la barre au-dessus de la variable note que celle-ci représente l'ensemble de ses valeurs dans les parenthèses.


(Si par exemple ξ a les trois valeurs P,Q,R :
(Si par exemple ξ a les trois valeurs P,Q,R&nbsp;:


<math>( \bar{\xi} )</math> = (P,Q,R).)
<math>( \bar{\xi} )</math> = (P,Q,R).)
Line 1,253: Line 1,253:
Le mode de description des membres de l'expression entre parenthèses n'est pas essentiel.
Le mode de description des membres de l'expression entre parenthèses n'est pas essentiel.


Nous pouvons distinguer trois espèces de description : 1. L'énumération directe. En ce cas, nous pouvons, au lieu de la variable, poser simplement ses valeurs constantes. 2. La donnée d'une fonction fx, dont les valeurs pour toutes les valeurs de x sont les propositions à décrire. 3. La donnée d'une loi formelle, selon laquelle ces propositions sont construites. En ce cas, les membres de l'expression entre parenthèses sont l'ensemble des membres d'une série de formes.
Nous pouvons distinguer trois espèces de description&nbsp;: 1. L'énumération directe. En ce cas, nous pouvons, au lieu de la variable, poser simplement ses valeurs constantes. 2. La donnée d'une fonction fx, dont les valeurs pour toutes les valeurs de x sont les propositions à décrire. 3. La donnée d'une loi formelle, selon laquelle ces propositions sont construites. En ce cas, les membres de l'expression entre parenthèses sont l'ensemble des membres d'une série de formes.


'''5.502''' J'écris donc, au lieu de « (– – – – – V) (ξ,....) », « <math>N ( \bar{\xi} )</math> ».
'''5.502''' J'écris donc, au lieu de «&nbsp;(– – – – – V) (ξ,....)&nbsp;», «&nbsp;<math>N ( \bar{\xi} )</math>&nbsp;».


<math>N ( \bar{\xi} )</math> est la négation de l'ensemble des valeurs de la variable propositionnelle ξ.
<math>N ( \bar{\xi} )</math> est la négation de l'ensemble des valeurs de la variable propositionnelle ξ.
Line 1,265: Line 1,265:
'''5.511''' Comment la logique, qui embrasse toute chose et reflète le monde, peut-elle avoir recours à des manipulations et à des instruments si particuliers? Simplement parce qu'ils se relient tous dans un réseau infiniment fin, dans le grand miroir.
'''5.511''' Comment la logique, qui embrasse toute chose et reflète le monde, peut-elle avoir recours à des manipulations et à des instruments si particuliers? Simplement parce qu'ils se relient tous dans un réseau infiniment fin, dans le grand miroir.


'''5.512''' « ~p » est vraie si « p » est fausse. Par conséquent, dans la proposition vraie « ~p », « p » est une proposition fausse. Comment le trait « ~ » peut-il la rendre conforme à la réalité? Ce qui nie dans « ~p » ce n'est pas le « ~ », mais ce qui est commun à tous les signes de cette notation qui nient p.
'''5.512''' «&nbsp;~p&nbsp;» est vraie si «&nbsp;p&nbsp;» est fausse. Par conséquent, dans la proposition vraie «&nbsp;~p&nbsp;», «&nbsp;p&nbsp;» est une proposition fausse. Comment le trait «&nbsp;~&nbsp;» peut-il la rendre conforme à la réalité? Ce qui nie dans «&nbsp;~p&nbsp;» ce n'est pas le «&nbsp;~&nbsp;», mais ce qui est commun à tous les signes de cette notation qui nient p.


<nowiki>Et par conséquent la règle commune selon laquelle sont construits « ~ p», « ~~~p », « ~p ∨ ~p », « ~p . ~p », etc. (</nowiki>''ad inf''.). Et ce qui est commun est le reflet répété de la négation.
<nowiki>Et par conséquent la règle commune selon laquelle sont construits «&nbsp;~ p», «&nbsp;~~~p&nbsp;», «&nbsp;~p ∨ ~p&nbsp;», «&nbsp;~p . ~p&nbsp;», etc. (</nowiki>''ad inf''.). Et ce qui est commun est le reflet répété de la négation.


'''5.513''' On pourrait dire : ce qui est commun à tous les symboles qui affirment à la fois p et q, c'est la proposition « p . q ». Ce qui est commun à tous les symboles qui affirment p ou q, c'est la proposition « p ∨ q ».
'''5.513''' On pourrait dire&nbsp;: ce qui est commun à tous les symboles qui affirment à la fois p et q, c'est la proposition «&nbsp;p . q&nbsp;». Ce qui est commun à tous les symboles qui affirment p ou q, c'est la proposition «&nbsp;p ∨ q&nbsp;».


Et ainsi pourrait-on dire : deux propositions sont opposées quand elles n'ont rien en commun; et : à chaque proposition correspond une seule négation, parce qu'il n'y a qu'une seule proposition qui lui soit complètement extérieure.
Et ainsi pourrait-on dire&nbsp;: deux propositions sont opposées quand elles n'ont rien en commun; et&nbsp;: à chaque proposition correspond une seule négation, parce qu'il n'y a qu'une seule proposition qui lui soit complètement extérieure.


Dans la notation de Russell, se montre également que « q : p ∨ ~p » dit la même chose que « q »; que « p ∨ ~p » ne dit rien.
Dans la notation de Russell, se montre également que «&nbsp;q&nbsp;: p ∨ ~p&nbsp;» dit la même chose que «&nbsp;q&nbsp;»; que «&nbsp;p ∨ ~p&nbsp;» ne dit rien.


'''5.514''' Quand une notation est fixée, elle comporte une règle selon laquelle toutes les propositions qui nient p sont construites; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p sont construites; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p ou q sont construites, et ainsi de suite. Ces règles sont équivalentes aux symboles, et en elles se reflète leur sens.
'''5.514''' Quand une notation est fixée, elle comporte une règle selon laquelle toutes les propositions qui nient p sont construites; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p sont construites; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p ou q sont construites, et ainsi de suite. Ces règles sont équivalentes aux symboles, et en elles se reflète leur sens.


'''5.515''' Il doit se montrer dans nos symboles que ce qui est combiné par « ∨ », « . », etc., ce doit être des propositions.
'''5.515''' Il doit se montrer dans nos symboles que ce qui est combiné par «&nbsp;&nbsp;», «&nbsp;.&nbsp;», etc., ce doit être des propositions.


Et c'est en effet le cas, car le symbole « p » et le symbole « q » présupposent d'eux-mêmes les « ∨ », « ~ », etc. Si le signe « p » dans «p ne tient pas lieu d'un signe complexe, il ne peut avoir de sens pris isolément; et les signes « p ∨ p », « p . p » équivalents à « p » ne peuvent non plus avoir aucun sens. Mais si « p ∨ p » n'a aucun sens, « p ∨ q » ne peut en avoir un.
Et c'est en effet le cas, car le symbole «&nbsp;p&nbsp;» et le symbole «&nbsp;q&nbsp;» présupposent d'eux-mêmes les «&nbsp;&nbsp;», «&nbsp;~&nbsp;», etc. Si le signe «&nbsp;p&nbsp;» dans «&nbsp;p q&nbsp;» ne tient pas lieu d'un signe complexe, il ne peut avoir de sens pris isolément; et les signes «&nbsp;p ∨ p&nbsp;», «&nbsp;p . p&nbsp;» équivalents à «&nbsp;p&nbsp;» ne peuvent non plus avoir aucun sens. Mais si «&nbsp;p ∨ p&nbsp;» n'a aucun sens, «&nbsp;p ∨ q&nbsp;» ne peut en avoir un.


'''5.5151''' Le signe de la proposition négative doit-il être construit à partir du signe de la proposition positive? Pourquoi ne devrait-on pas pouvoir exprimer la proposition négative au moyen d'un fait négatif? (Par exemple : que « a » ne soit pas dans une certaine relation avec « b » pourrait exprimer que aRb n'a pas lieu.)
'''5.5151''' Le signe de la proposition négative doit-il être construit à partir du signe de la proposition positive? Pourquoi ne devrait-on pas pouvoir exprimer la proposition négative au moyen d'un fait négatif? (Par exemple&nbsp;: que «&nbsp;a&nbsp;» ne soit pas dans une certaine relation avec «&nbsp;b&nbsp;» pourrait exprimer que aRb n'a pas lieu.)


Mais alors la proposition négative est encore indirectement construite au moyen de la positive.
Mais alors la proposition négative est encore indirectement construite au moyen de la positive.
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'''5.52''' Si les valeurs de ξ sont l'ensemble des valeurs d'une fonction fx pour toutes les valeurs de x, alors <math>N ( \bar{\xi} )</math> = ~(∃x) . fx.
'''5.52''' Si les valeurs de ξ sont l'ensemble des valeurs d'une fonction fx pour toutes les valeurs de x, alors <math>N ( \bar{\xi} )</math> = ~(∃x) . fx.


'''5.521''' Je sépare le concept ''tous'' de la fonction de vérité. Frege et Russell ont introduit la généralisation en connexion avec le produit ou la somme logique. Il était dès lors difficile de comprendre les propositions « (∃x) . fx » et « (x) . fx », dans lesquelles les deux idées sont impliquées.
'''5.521''' Je sépare le concept ''tous'' de la fonction de vérité. Frege et Russell ont introduit la généralisation en connexion avec le produit ou la somme logique. Il était dès lors difficile de comprendre les propositions «&nbsp;(∃x) . fx&nbsp;» et «&nbsp;(x) . fx&nbsp;», dans lesquelles les deux idées sont impliquées.


'''5.522''' Le propre de la notation du général c'est, premièrement qu'elle renvoie à une image primitive, et, deuxièmement, qu'elle met en vedette des constantes.
'''5.522''' Le propre de la notation du général c'est, premièrement qu'elle renvoie à une image primitive, et, deuxièmement, qu'elle met en vedette des constantes.
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Si les propositions élémentaires sont données, alors sont données du même coup ''toutes'' les propositions élémentaires.
Si les propositions élémentaires sont données, alors sont données du même coup ''toutes'' les propositions élémentaires.


'''5.525''' Il est incorrect de traduire en mots, comme l'a fait Russell, la proposition « (∃x) . fx » par « fx est possible ».
'''5.525''' Il est incorrect de traduire en mots, comme l'a fait Russell, la proposition «&nbsp;(∃x) . fx&nbsp;» par «&nbsp;fx est possible&nbsp;».


La certitude, la possibilité, ou l'impossibilité d'une situation ne s'expriment pas au moyen d'une proposition, mais par ceci qu'une expression est une tautologie, une proposition pourvue de sens ou une contradiction.
La certitude, la possibilité, ou l'impossibilité d'une situation ne s'expriment pas au moyen d'une proposition, mais par ceci qu'une expression est une tautologie, une proposition pourvue de sens ou une contradiction.
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'''5.526''' On peut décrire complètement le monde au moyen de propositions totalement généralisées, c'est-à-dire, par conséquent, sans coordonner par avance aucun nom à un objet déterminé.
'''5.526''' On peut décrire complètement le monde au moyen de propositions totalement généralisées, c'est-à-dire, par conséquent, sans coordonner par avance aucun nom à un objet déterminé.


Pour passer alors au mode d'expression usuel il suffit, après une expression comme : « il y a un x et un seulement tel que... », d'ajouter : et cet x est a.
Pour passer alors au mode d'expression usuel il suffit, après une expression comme&nbsp;: «&nbsp;il y a un x et un seulement tel que...&nbsp;», d'ajouter&nbsp;: et cet x est a.


'''5.5261''' Une proposition totalement généralisée est, comme chaque autre proposition, composée. (Ceci apparaît en ce que nous devons, dans « (∃x,φ). φx » mentionner séparément « φ » et « x ». Tous deux sont, indépendamment l'un de l'autre, dans des relations de dénotation avec le monde, comme dans une proposition non généralisée.)
'''5.5261''' Une proposition totalement généralisée est, comme chaque autre proposition, composée. (Ceci apparaît en ce que nous devons, dans «&nbsp;(∃x,φ). φx&nbsp;» mentionner séparément «&nbsp;φ&nbsp;» et «&nbsp;x&nbsp;». Tous deux sont, indépendamment l'un de l'autre, dans des relations de dénotation avec le monde, comme dans une proposition non généralisée.)


Marque distinctive d'un symbole composé : il a quelque chose en commun avec d'''autres'' symboles.
Marque distinctive d'un symbole composé&nbsp;: il a quelque chose en commun avec d'''autres'' symboles.


'''5.5262''' La vérité ou la fausseté de chaque proposition change assurément quelque chose à la constitution générale du monde. Et le jeu que laisse à cette constitution l'ensemble des propositions est justement celui que délimitent les propositions totalement généralisées.
'''5.5262''' La vérité ou la fausseté de chaque proposition change assurément quelque chose à la constitution générale du monde. Et le jeu que laisse à cette constitution l'ensemble des propositions est justement celui que délimitent les propositions totalement généralisées.
Line 1,319: Line 1,319:
'''5.53''' J'exprime l'égalité<ref>''Gleichheit''.</ref> des objets par l'égalité des signes, et non au moyen d'un signe d'égalité. J'exprime la différence des objets par la différence des signes.
'''5.53''' J'exprime l'égalité<ref>''Gleichheit''.</ref> des objets par l'égalité des signes, et non au moyen d'un signe d'égalité. J'exprime la différence des objets par la différence des signes.


'''5.5301''' Que l'identité<ref>''Identität''.</ref> ne soit pas une relation entre objets, c'est évident. Cela devient très clair, si l'on considère, par exemple, la proposition : « (x) : fx . ⊃ . x = . Cette proposition dit simplement que a est seul à satisfaire la fonction f, et non que seules satisfont la fonction f des choses qui ont une relation déterminée avec a.
'''5.5301''' Que l'identité<ref>''Identität''.</ref> ne soit pas une relation entre objets, c'est évident. Cela devient très clair, si l'on considère, par exemple, la proposition&nbsp;: «&nbsp;(x)&nbsp;: fx . ⊃ . x = a&nbsp;». Cette proposition dit simplement que a est seul à satisfaire la fonction f, et non que seules satisfont la fonction f des choses qui ont une relation déterminée avec a.


On pourrait dire alors, il est vrai, que a seul a cette relation avec a, mais pour exprimer cela nous aurions besoin du signe d'égalité lui-même.
On pourrait dire alors, il est vrai, que a seul a cette relation avec a, mais pour exprimer cela nous aurions besoin du signe d'égalité lui-même.


'''5.5302''' La définition que donne Russell de « = » ne suffit pas; car on ne peut, selon elle, dire que deux objets ont en commun toutes leurs propriétés. (Même si cette proposition est incorrecte, elle a pourtant un ''sens''.)
'''5.5302''' La définition que donne Russell de «&nbsp;=&nbsp;» ne suffit pas; car on ne peut, selon elle, dire que deux objets ont en commun toutes leurs propriétés. (Même si cette proposition est incorrecte, elle a pourtant un ''sens''.)


'''5.5303''' Sommairement parlant, dire que ''deux'' choses sont identiques est dépourvu de sens, et dire d'''une'' chose qu'elle est identique à elle-même c'est ne rien dire du tout.
'''5.5303''' Sommairement parlant, dire que ''deux'' choses sont identiques est dépourvu de sens, et dire d'''une'' chose qu'elle est identique à elle-même c'est ne rien dire du tout.


'''5.531''' Je n'écris donc pas « f(a,b) . a = b », mais « f(a,a) » (ou « f(b,b) »). Ni « f(a,b) . ~ a = b », mais « f(a,b) ».
'''5.531''' Je n'écris donc pas «&nbsp;f(a,b) . a = b&nbsp;», mais «&nbsp;f(a,a)&nbsp;» (ou «&nbsp;f(b,b)&nbsp;»). Ni «&nbsp;f(a,b) . ~ a = b&nbsp;», mais «&nbsp;f(a,b)&nbsp;».


'''5.532''' Et de même, non pas « (∃x,y). f(x,y) . x = mais « (∃x). f(x,x) »; ni « (∃x,y) . f(x,y) . ~x = y) », mais « f(x,y) . f(x,y) ».
'''5.532''' Et de même, non pas «&nbsp;(∃x,y). f(x,y) . x = y&nbsp;» mais «&nbsp;(∃x). f(x,x)&nbsp;»; ni «&nbsp;(∃x,y) . f(x,y) . ~x = y)&nbsp;», mais «&nbsp;f(x,y) . f(x,y)&nbsp;».


(Donc, au lieu de la formule de Russell «(∃x,y) . f(x,y) », j'écris « (∃x,y) . f(x,y) . ∨ . (∃x) . f(x,x) ».)
(Donc, au lieu de la formule de Russell «&nbsp;(∃x,y) . f(x,y)&nbsp;», j'écris «&nbsp;(∃x,y) . f(x,y) . ∨ . (∃x) . f(x,x)&nbsp;».)


'''5.5321''' Au lieu de « (x) : fx ⊃ x = a », nous écrivons donc par exemple « (∃x) . fx . ⊃ . fa : ~(∃x,y) . fx . fy ».
'''5.5321''' Au lieu de «&nbsp;(x)&nbsp;: fx ⊃ x = a&nbsp;», nous écrivons donc par exemple «&nbsp;(∃x) . fx . ⊃ . fa&nbsp;: ~(∃x,y) . fx . fy&nbsp;».


Et la proposition : « Il y a seulement un x qui satisfait f( )» se formule : « (∃x) . fx : ~(∃x,y) . fx . fy ».
Et la proposition&nbsp;: «&nbsp;Il y a seulement un x qui satisfait f( )» se formule&nbsp;: «&nbsp;(∃x) . fx&nbsp;: ~(∃x,y) . fx . fy&nbsp;».


'''5.533''' Le signe d'égalité n'est donc pas un élément essentiel de l'idéographie.
'''5.533''' Le signe d'égalité n'est donc pas un élément essentiel de l'idéographie.


'''5.534''' Et nous voyons maintenant que des pseudo-propositions telles que : « a = a », « a = b . b = c . ⊃ a = , « (x) . x = x », « (∃x) . x = a », etc., ne se laissent absolument pas écrire dans une idéographie correcte.
'''5.534''' Et nous voyons maintenant que des pseudo-propositions telles que&nbsp;: «&nbsp;a = a&nbsp;», «&nbsp;a = b . b = c . ⊃ a = c&nbsp;», «&nbsp;(x) . x = x&nbsp;», «&nbsp;(∃x) . x = a&nbsp;», etc., ne se laissent absolument pas écrire dans une idéographie correcte.


'''5.535''' Par là sont aussi réglés tous les problèmes liés à de telles pseudo-propositions.
'''5.535''' Par là sont aussi réglés tous les problèmes liés à de telles pseudo-propositions.


Tous les problèmes introduits par l'« axiome de l'infini » de Russell trouvent alors ici une solution.
Tous les problèmes introduits par l'«&nbsp;axiome de l'infini&nbsp;» de Russell trouvent alors ici une solution.


Ce que doit dire l'axiome de l'infini pourrait s'exprimer dans la langue par ceci, qu'il y a une infinité de noms avec des significations différentes.
Ce que doit dire l'axiome de l'infini pourrait s'exprimer dans la langue par ceci, qu'il y a une infinité de noms avec des significations différentes.


'''5.5351''' Dans certains cas, on se trouve tenté d'utiliser des expressions de la forme : « a = a » ou « p ⊃ p » et d'autres du même genre. Ceci arrive en fait lorsque l'on voudrait parler d'une image primitive : proposition, chose, etc. Ainsi Russell dans les ''Principles of mathematics'' a rendu l'expression dépourvue de sens « p est une proposition » en symboles par : « p ⊃ p », et l'a posée comme hypothèse précédant certaines propositions, afin que leurs arguments ne puissent y être occupés que par des propositions.
'''5.5351''' Dans certains cas, on se trouve tenté d'utiliser des expressions de la forme&nbsp;: «&nbsp;a = a&nbsp;» ou «&nbsp;p ⊃ p&nbsp;» et d'autres du même genre. Ceci arrive en fait lorsque l'on voudrait parler d'une image primitive&nbsp;: proposition, chose, etc. Ainsi Russell dans les ''Principles of mathematics'' a rendu l'expression dépourvue de sens «&nbsp;p est une proposition&nbsp;» en symboles par&nbsp;: «&nbsp;p ⊃ p&nbsp;», et l'a posée comme hypothèse précédant certaines propositions, afin que leurs arguments ne puissent y être occupés que par des propositions.


(Il est déjà dépourvu de sens de placer l'hypothèse « p ⊃ devant une proposition pour lui garantir des arguments ayant la forme correcte, parce que l'hypothèse, pour un argument non propositionnel, ne devient pas fausseté, mais perd son sens, et comme la proposition elle-même est transformée en expression dépourvue de sens par l'espèce incorrecte d'arguments, elle se garde aussi bien, ou aussi mal, des arguments incorrects que l'hypothèse vide de sens qu'on lui adjoint à cet effet.)
(Il est déjà dépourvu de sens de placer l'hypothèse «&nbsp;p ⊃ p&nbsp;» devant une proposition pour lui garantir des arguments ayant la forme correcte, parce que l'hypothèse, pour un argument non propositionnel, ne devient pas fausseté, mais perd son sens, et comme la proposition elle-même est transformée en expression dépourvue de sens par l'espèce incorrecte d'arguments, elle se garde aussi bien, ou aussi mal, des arguments incorrects que l'hypothèse vide de sens qu'on lui adjoint à cet effet.)


'''5.5352''' De même, on voudrait exprimer qu'« il n'y a aucune ''chose'' » par « ~(∃x) . x ⊃ x ». Mais à supposer même que ceci soit une proposition, ne serait-elle pas encore vraie si en effet « il y avait des choses », mais que ces choses ne fussent pas identiques à elles-mêmes?
'''5.5352''' De même, on voudrait exprimer qu'«&nbsp;il n'y a aucune ''chose''&nbsp;» par «&nbsp;~(∃x) . x ⊃ x&nbsp;». Mais à supposer même que ceci soit une proposition, ne serait-elle pas encore vraie si en effet «&nbsp;il y avait des choses&nbsp;», mais que ces choses ne fussent pas identiques à elles-mêmes?


'''5.54''' Dans la forme générale de la proposition, la proposition n'apparaît dans une proposition que comme base d'une opération de vérité.
'''5.54''' Dans la forme générale de la proposition, la proposition n'apparaît dans une proposition que comme base d'une opération de vérité.
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'''5.541''' À première vue, il semble qu'une proposition puisse apparaître aussi dans une autre proposition d'une autre manière.
'''5.541''' À première vue, il semble qu'une proposition puisse apparaître aussi dans une autre proposition d'une autre manière.


Particulièrement dans certaines formes propositionnelles de la psychologie, telles que « A croit que p a lieu », ou « A pense , etc.
Particulièrement dans certaines formes propositionnelles de la psychologie, telles que «&nbsp;A croit que p a lieu&nbsp;», ou «&nbsp;A pense p&nbsp;», etc.


Car superficiellement, il semble qu'ici la proposition p ait une espèce de relation avec un objet A.
Car superficiellement, il semble qu'ici la proposition p ait une espèce de relation avec un objet A.
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(Et dans la théorie moderne de la connaissance (Russell, Moore, etc.) ces propositions sont conçues de cette manière.)
(Et dans la théorie moderne de la connaissance (Russell, Moore, etc.) ces propositions sont conçues de cette manière.)


'''5.542''' Il est cependant clair que « A croit que p », « A pense p », « A dit p » sont de la forme « "p" dit p », et il ne s'agit pas ici de la coordination d'un fait et d'un objet, mais de la coordination de faits par la coordination de leurs objets.
'''5.542''' Il est cependant clair que «&nbsp;A croit que p&nbsp;», «&nbsp;A pense p&nbsp;», «&nbsp;A dit p&nbsp;» sont de la forme «&nbsp;"p" dit p&nbsp;», et il ne s'agit pas ici de la coordination d'un fait et d'un objet, mais de la coordination de faits par la coordination de leurs objets.


'''5.5421''' Ceci montre encore que l'âme – le sujet, etc. –, telle qu'elle est conçue dans la psychologie superficielle d'aujourd'hui, est une pseudo-chose.
'''5.5421''' Ceci montre encore que l'âme – le sujet, etc. –, telle qu'elle est conçue dans la psychologie superficielle d'aujourd'hui, est une pseudo-chose.
Line 1,369: Line 1,369:
Car une âme composée ne serait en effet plus une âme.
Car une âme composée ne serait en effet plus une âme.


'''5.5422''' L'explication correcte de la forme de la proposition « A juge que p » doit montrer qu'il est impossible qu'un jugement soit dépourvu de sens. (La théorie de Russell ne satisfait pas à cette condition.)
'''5.5422''' L'explication correcte de la forme de la proposition «&nbsp;A juge que p&nbsp;» doit montrer qu'il est impossible qu'un jugement soit dépourvu de sens. (La théorie de Russell ne satisfait pas à cette condition.)


'''5.5423''' Percevoir un complexe signifie percevoir que ses éléments sont dans tel ou tel rapport.
'''5.5423''' Percevoir un complexe signifie percevoir que ses éléments sont dans tel ou tel rapport.
Line 1,387: Line 1,387:
(Et si nous nous trouvons en situation de devoir résoudre un tel problème en observant le monde, cela montre que nous nous sommes engagés dans une voie fondamentalement erronée.)
(Et si nous nous trouvons en situation de devoir résoudre un tel problème en observant le monde, cela montre que nous nous sommes engagés dans une voie fondamentalement erronée.)


'''5.552''' L'« expérience » dont nous avons besoin pour comprendre la logique, ce n'est pas qu'il y ait tel ou tel état de choses, mais qu'il y ''ait'' quelque chose : mais ''ce n'est pas'' là une expérience.
'''5.552''' L'«&nbsp;expérience&nbsp;» dont nous avons besoin pour comprendre la logique, ce n'est pas qu'il y ait tel ou tel état de choses, mais qu'il y ''ait'' quelque chose&nbsp;: mais ''ce n'est pas'' là une expérience.


La logique est ''antérieure'' à toute expérience – que quelque chose est ainsi. Elle est antérieure au Comment, non au Quoi.
La logique est ''antérieure'' à toute expérience – que quelque chose est ainsi. Elle est antérieure au Comment, non au Quoi.


'''5.5521''' Et s'il n'en était pas ainsi, comment pourrions-nous appliquer la logique? On pourrait dire : s'il y avait une logique même sans qu'il y ait un monde, comment pourrait-il donc y avoir une logique alors qu'il y a un monde?
'''5.5521''' Et s'il n'en était pas ainsi, comment pourrions-nous appliquer la logique? On pourrait dire&nbsp;: s'il y avait une logique même sans qu'il y ait un monde, comment pourrait-il donc y avoir une logique alors qu'il y a un monde?


'''5.553''' Russell a dit qu'il y avait des relations simples entre différents nombres de choses (d'individus). Mais entre quels nombres? Et comment doit-il en être décidé? Par l'expérience?
'''5.553''' Russell a dit qu'il y avait des relations simples entre différents nombres de choses (d'individus). Mais entre quels nombres? Et comment doit-il en être décidé? Par l'expérience?
Line 1,403: Line 1,403:
'''5.5542''' Mais avons-nous proprement le droit de poser la question? Pouvons-nous proposer une forme de signe sans savoir s'il peut lui correspondre quelque chose?
'''5.5542''' Mais avons-nous proprement le droit de poser la question? Pouvons-nous proposer une forme de signe sans savoir s'il peut lui correspondre quelque chose?


La question suivante a-t-elle un sens : que faut-il qui ''soit'' pour que quelque chose ait lieu?
La question suivante a-t-elle un sens&nbsp;: que faut-il qui ''soit'' pour que quelque chose ait lieu?


'''5.555''' Il est clair que nous avons le concept de proposition élémentaire indépendamment de sa forme logique particulière.
'''5.555''' Il est clair que nous avons le concept de proposition élémentaire indépendamment de sa forme logique particulière.
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'''5.61''' La logique remplit le monde; les frontières du monde sont aussi ses frontières.
'''5.61''' La logique remplit le monde; les frontières du monde sont aussi ses frontières.


Nous ne pouvons donc dire en logique : il y a ceci et ceci dans le monde, mais pas cela.
Nous ne pouvons donc dire en logique&nbsp;: il y a ceci et ceci dans le monde, mais pas cela.


Car ce serait apparemment présupposer que nous excluons certaines possibilités, ce qui ne peut avoir lieu, car alors la logique devrait passer au-delà des frontières du monde; comme si elle pouvait observer ces frontières également à partir de l'autre bord.
Car ce serait apparemment présupposer que nous excluons certaines possibilités, ce qui ne peut avoir lieu, car alors la logique devrait passer au-delà des frontières du monde; comme si elle pouvait observer ces frontières également à partir de l'autre bord.
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Ce que nous ne pouvons penser, nous ne pouvons le penser; nous ne pouvons donc davantage ''dire'' ce que nous ne pouvons penser.
Ce que nous ne pouvons penser, nous ne pouvons le penser; nous ne pouvons donc davantage ''dire'' ce que nous ne pouvons penser.


'''5.62''' Cette remarque fournit la clef pour décider de la réponse à la question : dans quelle mesure le solipsisme est-il une vérité?
'''5.62''' Cette remarque fournit la clef pour décider de la réponse à la question&nbsp;: dans quelle mesure le solipsisme est-il une vérité?


Car ce que le solipsisme ''veut signifier'' est tout à fait correct, seulement cela ne peut se ''dire'', mais se montre.
Car ce que le solipsisme ''veut signifier'' est tout à fait correct, seulement cela ne peut se ''dire'', mais se montre.
Line 1,457: Line 1,457:
'''5.631''' Il n'y a pas de sujet de la pensée de la représentation.
'''5.631''' Il n'y a pas de sujet de la pensée de la représentation.


Si j'écrivais un livre intitulé ''Le monde tel que je l'ai trouvé'', je devrais y faire aussi un rapport sur mon corps, et dire quels membres sont soumis à ma volonté, quels n'y sont pas soumis, etc. Ce qui est en effet une méthode pour isoler le sujet, ou plutôt pour montrer que, en un sens important, il n'y a pas de sujet : car c'est de lui seulement qu'il ne pourrait être question dans ce livre.
Si j'écrivais un livre intitulé ''Le monde tel que je l'ai trouvé'', je devrais y faire aussi un rapport sur mon corps, et dire quels membres sont soumis à ma volonté, quels n'y sont pas soumis, etc. Ce qui est en effet une méthode pour isoler le sujet, ou plutôt pour montrer que, en un sens important, il n'y a pas de sujet&nbsp;: car c'est de lui seulement qu'il ne pourrait être question dans ce livre.


'''5.632''' Le sujet n'appartient pas au monde, mais il est une frontière du monde.
'''5.632''' Le sujet n'appartient pas au monde, mais il est une frontière du monde.
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Et rien ''dans le champ visuel'' ne permet de conclure qu'il est vu par un œil.
Et rien ''dans le champ visuel'' ne permet de conclure qu'il est vu par un œil.


'''5.6331''' Le champ visuel n'a pas en fait une telle forme :
'''5.6331''' Le champ visuel n'a pas en fait une telle forme&nbsp;:


[[File:TLP 5.6331fr.png|250px|center|link=]]
[[File:TLP 5.6331fr.png|250px|center|link=]]
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'''5.641''' Il y a donc réellement un sens selon lequel il peut être question en philosophie d'un je, non psychologiquement.
'''5.641''' Il y a donc réellement un sens selon lequel il peut être question en philosophie d'un je, non psychologiquement.


Le je fait son entrée dans la philosophie grâce à ceci : que « le monde est mon monde ».
Le je fait son entrée dans la philosophie grâce à ceci&nbsp;: que «&nbsp;le monde est mon monde&nbsp;».


Le je philosophique n'est ni l'être humain, ni le corps humain, ni l'âme humaine dont s'occupe la psychologie, mais c'est le sujet métaphysique, qui est frontière – et non partie – du monde.
Le je philosophique n'est ni l'être humain, ni le corps humain, ni l'âme humaine dont s'occupe la psychologie, mais c'est le sujet métaphysique, qui est frontière – et non partie – du monde.


'''6''' La forme générale de la fonction de vérité est : <math>[ \bar{p}, \bar{\xi}, N (\bar{\xi}) ]</math>.
'''6''' La forme générale de la fonction de vérité est&nbsp;: <math>[ \bar{p}, \bar{\xi}, N (\bar{\xi}) ]</math>.


C'est la forme générale de la proposition.
C'est la forme générale de la proposition.


'''6.001''' Cequine dit rien d'autre que ceci : chaque proposition est le résultat d'applications successives de l'opération <math>N ( \bar{\xi} )</math> à des propositions élémentaires.
'''6.001''' Cequine dit rien d'autre que ceci&nbsp;: chaque proposition est le résultat d'applications successives de l'opération <math>N ( \bar{\xi} )</math> à des propositions élémentaires.


'''6.002''' Quand est donnée la forme générale selon laquelle une proposition est construite, est déjà donnée du même coup la forme selon laquelle par le moyen d'une opération une proposition en engendre une autre.
'''6.002''' Quand est donnée la forme générale selon laquelle une proposition est construite, est déjà donnée du même coup la forme selon laquelle par le moyen d'une opération une proposition en engendre une autre.


'''6.01''' La forme générale de l'opération <math>\Omega ' (\bar{\eta})</math> est donc : <math>[\bar{\xi}, N(\bar{\xi})]' (\bar{\eta}) (= [ \bar{\eta}, \bar{\xi}, N (\bar{\xi}) ])</math>.
'''6.01''' La forme générale de l'opération <math>\Omega ' (\bar{\eta})</math> est donc&nbsp;: <math>[\bar{\xi}, N(\bar{\xi})]' (\bar{\eta}) (= [ \bar{\eta}, \bar{\xi}, N (\bar{\xi}) ])</math>.


Ce qui est la forme générale du passage d'une proposition à une autre.
Ce qui est la forme générale du passage d'une proposition à une autre.


'''6.02''' Ainsi en venons-nous aux nombres : je définis
'''6.02''' Ainsi en venons-nous aux nombres&nbsp;: je définis


{{p center|<math>x = \Omega^{0 \prime} x \text{ Déf.}</math> et<br>
{{p center|<math>x = \Omega^{0 \prime} x \text{ Déf.}</math> et<br>
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Conformément à ces règles de signes nous écrivons donc la série <math>x, \Omega ' x, \Omega ' \Omega ' x, \Omega ' \Omega ' \Omega ' x, ...</math>
Conformément à ces règles de signes nous écrivons donc la série <math>x, \Omega ' x, \Omega ' \Omega ' x, \Omega ' \Omega ' \Omega ' x, ...</math>


de cette manière : <math>\Omega^{0 \prime} x, \Omega^{0+1 \prime} x, \Omega^{0 + 1 + 1 \prime} x, \Omega^{0 + 1 + 1 + 1 \prime} x, ...</math>
de cette manière&nbsp;: <math>\Omega^{0 \prime} x, \Omega^{0+1 \prime} x, \Omega^{0 + 1 + 1 \prime} x, \Omega^{0 + 1 + 1 + 1 \prime} x, ...</math>


J'écris donc, au lieu de « <math>[ x, \xi, \Omega ' \xi ]</math> » :
J'écris donc, au lieu de «&nbsp;<math>[ x, \xi, \Omega ' \xi ]</math>&nbsp;»&nbsp;:


{{p center|« <math>[ \Omega^{0 \prime} x, \Omega^{ \nu \prime} x, \Omega^{ \nu + 1 \prime} x ]</math> ».}}
{{p center|«&nbsp;<math>[ \Omega^{0 \prime} x, \Omega^{ \nu \prime} x, \Omega^{ \nu + 1 \prime} x ]</math>&nbsp;».}}


Et je définis :
Et je définis&nbsp;:


:<math>0 + 1 = 1 \text{ Déf.}</math>
:<math>0 + 1 = 1 \text{ Déf.}</math>
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Et le concept d'égalité entre nombres est la forme générale de toutes les égalités numériques particulières.
Et le concept d'égalité entre nombres est la forme générale de toutes les égalités numériques particulières.


'''6.03''' La forme générale du nombre entier est : [0, ξ, ξ+1].
'''6.03''' La forme générale du nombre entier est&nbsp;: [0, ξ, ξ+1].


'''6.031''' La théorie des classes est en mathématique tout à fait superflue.
'''6.031''' La théorie des classes est en mathématique tout à fait superflue.
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'''6.11''' Les propositions de la logique ne disent donc rien. (Ce sont les propositions analytiques.)
'''6.11''' Les propositions de la logique ne disent donc rien. (Ce sont les propositions analytiques.)


'''6.111''' Les théories qui font apparaître une proposition de la logique comme ayant un contenu sont toujours fausses. On pourrait croire, par exemple, que les mots « vrai » et « faux » désignent deux propriétés parmi d'autres, et que par conséquent ce soit un fait remarquable que chaque proposition possède l'une ou l'autre. Ce qui semble alors rien moins qu'aller de soi, pas plus que ne sonnerait comme allant de soi, par exemple, la proposition : « toutes les roses sont ou jaunes ou rouges », même si elle était vraie. Cette proposition acquiert alors tous les caractères d'une proposition des sciences de la nature, et c'est l'indice sûr qu'elle aura été conçue faussement.
'''6.111''' Les théories qui font apparaître une proposition de la logique comme ayant un contenu sont toujours fausses. On pourrait croire, par exemple, que les mots «&nbsp;vrai&nbsp;» et «&nbsp;faux&nbsp;» désignent deux propriétés parmi d'autres, et que par conséquent ce soit un fait remarquable que chaque proposition possède l'une ou l'autre. Ce qui semble alors rien moins qu'aller de soi, pas plus que ne sonnerait comme allant de soi, par exemple, la proposition&nbsp;: «&nbsp;toutes les roses sont ou jaunes ou rouges&nbsp;», même si elle était vraie. Cette proposition acquiert alors tous les caractères d'une proposition des sciences de la nature, et c'est l'indice sûr qu'elle aura été conçue faussement.


'''6.112''' L'explication correcte des propositions logiques doit leur conférer une position unique parmi toutes les propositions.
'''6.112''' L'explication correcte des propositions logiques doit leur conférer une position unique parmi toutes les propositions.
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Pour que des propositions liées d'une certaine manière engendrent une tautologie, elles doivent avoir des propriétés déterminées de structure. Qu'elles engendrent, dans cette connexion, une tautologie, montre donc qu'elles possèdent ces propriétés de structure.
Pour que des propositions liées d'une certaine manière engendrent une tautologie, elles doivent avoir des propriétés déterminées de structure. Qu'elles engendrent, dans cette connexion, une tautologie, montre donc qu'elles possèdent ces propriétés de structure.


'''6.1201''' Que par exemple les propositions « p » et « ~p » dans la connexion « ~(p . ~p) » engendrent une tautologie montre qu'elles se contredisent l'une l'autre. Que les propositions « p ⊃ q », « p », et « q » liées sous la forme : « (p ⊃ q) . (p) : ⊃ : (q) » engendrent une tautologie montre que q suit de p et de p ⊃ q. Que « (x) . fx : ⊃ : fa » soit une tautologie montre que fa suit de (x) . fx, etc., etc.
'''6.1201''' Que par exemple les propositions «&nbsp;p&nbsp;» et «&nbsp;~p&nbsp;» dans la connexion «&nbsp;~(p . ~p)&nbsp;» engendrent une tautologie montre qu'elles se contredisent l'une l'autre. Que les propositions «&nbsp;p ⊃ q&nbsp;», «&nbsp;p&nbsp;», et «&nbsp;q&nbsp;» liées sous la forme&nbsp;: «&nbsp;(p ⊃ q) . (p)&nbsp;: ⊃&nbsp;: (q)&nbsp;» engendrent une tautologie montre que q suit de p et de p ⊃ q. Que «&nbsp;(x) . fx&nbsp;: ⊃&nbsp;: fa&nbsp;» soit une tautologie montre que fa suit de (x) . fx, etc., etc.


'''6.1202''' Il est clair que l'on pourrait, au lieu des tautologies, employer les contradictions.
'''6.1202''' Il est clair que l'on pourrait, au lieu des tautologies, employer les contradictions.


'''6.1203''' Pour reconnaître une tautologie comme telle, on peut dans les cas où aucun signe de généralisation n'y apparaît, se servir de la méthode intuitive suivante : j'écris, au lieu de « p », « q », « r », etc., « VpF », « VqF », « VrF », etc. J'exprime les combinaisons de vérité au moyen d'accolades, par exemple :
'''6.1203''' Pour reconnaître une tautologie comme telle, on peut dans les cas où aucun signe de généralisation n'y apparaît, se servir de la méthode intuitive suivante&nbsp;: j'écris, au lieu de «&nbsp;p&nbsp;», «&nbsp;q&nbsp;», «&nbsp;r&nbsp;», etc., «&nbsp;VpF&nbsp;», «&nbsp;VqF&nbsp;», «&nbsp;VrF&nbsp;», etc. J'exprime les combinaisons de vérité au moyen d'accolades, par exemple&nbsp;:


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et la correspondance de la vérité ou de la fausseté de la proposition entière, et des combinaisons de vérité de ses arguments de vérité, au moyen de traits de la manière suivante :
et la correspondance de la vérité ou de la fausseté de la proposition entière, et des combinaisons de vérité de ses arguments de vérité, au moyen de traits de la manière suivante&nbsp;:


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Ce signe, par exemple, figurerait donc la proposition p ⊃ q. Supposons maintenant que je veuille vérifier si, par exemple, la proposition ~(p. ~p) (loi de contradiction) est une tautologie.
Ce signe, par exemple, figurerait donc la proposition p ⊃ q. Supposons maintenant que je veuille vérifier si, par exemple, la proposition ~(p. ~p) (loi de contradiction) est une tautologie.


La forme « ~ξ » sera dans notre notation écrite :
La forme «&nbsp;&nbsp;» sera dans notre notation écrite&nbsp;:


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La forme « ξ . η » :
La forme «&nbsp;ξ . η&nbsp;»&nbsp;:


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La proposition ~(p.~q) s'écrira par conséquent :
La proposition ~(p.~q) s'écrira par conséquent&nbsp;:


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Remplaçons maintenant « q » par « p » et examinons la connexion des V et F les plus externes avec les internes; il en résulte que la vérité de la proposition entière correspond à toutes les combinaisons de vérité de son argument, et sa fausseté à aucune<ref>Cette consigne est trop vague. Une fois q remplacé par p, il faut évidemment veiller à ce que les valeurs de vérité de l'unique proposition p soient les mêmes à gauche et à droite du schéma, qui se réduit alors en effet à :
Remplaçons maintenant «&nbsp;q&nbsp;» par «&nbsp;p&nbsp;» et examinons la connexion des V et F les plus externes avec les internes; il en résulte que la vérité de la proposition entière correspond à toutes les combinaisons de vérité de son argument, et sa fausseté à aucune<ref>Cette consigne est trop vague. Une fois q remplacé par p, il faut évidemment veiller à ce que les valeurs de vérité de l'unique proposition p soient les mêmes à gauche et à droite du schéma, qui se réduit alors en effet à&nbsp;:


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'''6.121''' Les propositions de la logique démontrent les propriétés logiques des propositions, en formant par leur connexion des propositions qui ne disent rien.
'''6.121''' Les propositions de la logique démontrent les propriétés logiques des propositions, en formant par leur connexion des propositions qui ne disent rien.


On pourrait appeler encore cette méthode : méthode de réduction à zéro. Dans la proposition logique, les propositions sont mises entre elles en équilibre, et cet état d'équilibre montre alors comment ces propositions doivent être logiquement agencées.
On pourrait appeler encore cette méthode&nbsp;: méthode de réduction à zéro. Dans la proposition logique, les propositions sont mises entre elles en équilibre, et cet état d'équilibre montre alors comment ces propositions doivent être logiquement agencées.


'''6.122''' Il en résulte que nous pourrions aussi bien nous passer des propositions logiques, puisque, dans une notation convenable, nous pouvons déjà reconnaître les propriétés formelles des propositions à la seule inspection de celles-ci.
'''6.122''' Il en résulte que nous pourrions aussi bien nous passer des propositions logiques, puisque, dans une notation convenable, nous pouvons déjà reconnaître les propriétés formelles des propositions à la seule inspection de celles-ci.


'''6.1221''' Si, par exemple, des deux propositions « p » et « q » dans leur connexion « p ⊃ q » une tautologie résulte, il est alors clair que q suit de p.
'''6.1221''' Si, par exemple, des deux propositions «&nbsp;p&nbsp;» et «&nbsp;q&nbsp;» dans leur connexion «&nbsp;p ⊃ q&nbsp;» une tautologie résulte, il est alors clair que q suit de p.


Que par exemple « q » suive de « p ⊃ q . p » nous le voyons sur ces deux propositions mêmes, en les liant dans « p ⊃ q . p : ⊃ : q», et montrant alors que c'est là une tautologie.
Que par exemple «&nbsp;q&nbsp;» suive de «&nbsp;p ⊃ q . p&nbsp;» nous le voyons sur ces deux propositions mêmes, en les liant dans «&nbsp;p ⊃ q . p&nbsp;: ⊃&nbsp;: q», et montrant alors que c'est là une tautologie.


'''6.1222''' Cela éclaire la question : pourquoi les propositions logiques ne peuvent-elles être confirmées par l'expérience, pas plus que par l'expérience elles ne peuvent être réfutées. Non seulement une proposition de la logique ne peut être réfutée par aucune expérience possible, mais encore elle ne peut être confirmée par aucune.
'''6.1222''' Cela éclaire la question&nbsp;: pourquoi les propositions logiques ne peuvent-elles être confirmées par l'expérience, pas plus que par l'expérience elles ne peuvent être réfutées. Non seulement une proposition de la logique ne peut être réfutée par aucune expérience possible, mais encore elle ne peut être confirmée par aucune.


'''6.1223''' La raison sera maintenant claire pour laquelle on a souvent eu le sentiment que les « vérités logiques » doivent être de nous « exigées » : nous pouvons en effet les exiger, dans la mesure où nous pouvons exiger une notation convenable.
'''6.1223''' La raison sera maintenant claire pour laquelle on a souvent eu le sentiment que les «&nbsp;vérités logiques&nbsp;» doivent être de nous «&nbsp;exigées&nbsp;»&nbsp;: nous pouvons en effet les exiger, dans la mesure où nous pouvons exiger une notation convenable.


'''6.1224''' La raison sera également claire pour laquelle la logique a été nommée théorie des formes et des déductions.
'''6.1224''' La raison sera également claire pour laquelle la logique a été nommée théorie des formes et des déductions.
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'''6.123''' Il est clair que les lois logiques ne doivent pas elles-mêmes se soumettre derechef à des lois logiques.
'''6.123''' Il est clair que les lois logiques ne doivent pas elles-mêmes se soumettre derechef à des lois logiques.


(Il n'y a pas, comme le voulait Russell, pour chaque « type » une loi de contradiction particulière, mais une seule suffit, parce qu'elle ne s'applique pas à elle-même.)
(Il n'y a pas, comme le voulait Russell, pour chaque «&nbsp;type&nbsp;» une loi de contradiction particulière, mais une seule suffit, parce qu'elle ne s'applique pas à elle-même.)


'''6.1231''' La marque de la proposition logique ''n'est pas'' la validité générale.
'''6.1231''' La marque de la proposition logique ''n'est pas'' la validité générale.


Être général veut en effet seulement dire : valoir accidentellement pour toutes choses. Une proposition non généralisée peut aussi bien être tautologique qu'une proposition généralisée.
Être général veut en effet seulement dire&nbsp;: valoir accidentellement pour toutes choses. Une proposition non généralisée peut aussi bien être tautologique qu'une proposition généralisée.


'''6.1232''' La validité générale logique, on pourrait la nommer essentielle, par opposition à l'accidentelle, comme par exemple dans la proposition : « Tous les hommes sont mortels. » Des propositions comme l'« axiome de réductibilité » de Russell ne sont pas des propositions logiques, et ceci explique le sentiment que nous avons que, si elles sont vraies, elles ne sauraient l'être que par un heureux hasard.
'''6.1232''' La validité générale logique, on pourrait la nommer essentielle, par opposition à l'accidentelle, comme par exemple dans la proposition&nbsp;: «&nbsp;Tous les hommes sont mortels.&nbsp;» Des propositions comme l'«&nbsp;axiome de réductibilité&nbsp;» de Russell ne sont pas des propositions logiques, et ceci explique le sentiment que nous avons que, si elles sont vraies, elles ne sauraient l'être que par un heureux hasard.


'''6.1233''' Un monde dans lequel l'axiome de réductibilité ne vaudrait pas est pensable. Mais il est clair que la logique n'a rien à voir avec la question de savoir si notre monde est ou n'est pas réellement ainsi.
'''6.1233''' Un monde dans lequel l'axiome de réductibilité ne vaudrait pas est pensable. Mais il est clair que la logique n'a rien à voir avec la question de savoir si notre monde est ou n'est pas réellement ainsi.


'''6.124''' Les propositions logiques décrivent l'échafaudage du monde, ou plutôt elles le figurent. Elles ne « traitent » de rien. Elles présupposent que les noms ont une signification et les propositions élémentaires un sens : et c'est là leur connexion au monde. Il est clair que quelque chose à propos du monde doit nous être indiqué par la circonstance que certaines connexions de symboles – qui ont par essence un caractère déterminé – soient des tautologies. C'est là le point décisif. Nous avons dit que plusieurs choses dans les symboles que nous utilisons étaient arbitraires, plusieurs ne l'étaient pas. En logique ce sont seulement les secondes qui expriment. Mais cela veut dire qu'en logique ce n'est pas ''nous'' qui exprimons, au moyen des signes, ce que nous voulons, mais qu'en logique c'est la nature des signes naturellement nécessaires qui elle-même se manifeste. Si nous connaissons la syntaxe logique d'un symbolisme quelconque, alors nous sont déjà données toutes les propositions de la logique.
'''6.124''' Les propositions logiques décrivent l'échafaudage du monde, ou plutôt elles le figurent. Elles ne «&nbsp;traitent&nbsp;» de rien. Elles présupposent que les noms ont une signification et les propositions élémentaires un sens&nbsp;: et c'est là leur connexion au monde. Il est clair que quelque chose à propos du monde doit nous être indiqué par la circonstance que certaines connexions de symboles – qui ont par essence un caractère déterminé – soient des tautologies. C'est là le point décisif. Nous avons dit que plusieurs choses dans les symboles que nous utilisons étaient arbitraires, plusieurs ne l'étaient pas. En logique ce sont seulement les secondes qui expriment. Mais cela veut dire qu'en logique ce n'est pas ''nous'' qui exprimons, au moyen des signes, ce que nous voulons, mais qu'en logique c'est la nature des signes naturellement nécessaires qui elle-même se manifeste. Si nous connaissons la syntaxe logique d'un symbolisme quelconque, alors nous sont déjà données toutes les propositions de la logique.


'''6.125''' Il est possible, et même selon la conception ancienne de la logique, de donner par avance une description de toutes les propositions logiques « vraies ».
'''6.125''' Il est possible, et même selon la conception ancienne de la logique, de donner par avance une description de toutes les propositions logiques «&nbsp;vraies&nbsp;».


'''6.1251''' C'est pourquoi il ne peut ''jamais'' y avoir de surprises en logique.
'''6.1251''' C'est pourquoi il ne peut ''jamais'' y avoir de surprises en logique.
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'''6.126''' On peut calculer si une proposition appartient à la logique en calculant les propriétés logiques du ''symbole''.
'''6.126''' On peut calculer si une proposition appartient à la logique en calculant les propriétés logiques du ''symbole''.


Et c'est ce que nous faisons lorsque nous « démontrons » une proposition logique. Car, sans nous préoccuper de son sens<ref>''Sinn''.</ref> ou de sa signification<ref>''Bedeutung''.</ref>, nous construisons la proposition logique à partir d'autres propositions au moyen de ''règles portant seulement sur les signes''.
Et c'est ce que nous faisons lorsque nous «&nbsp;démontrons&nbsp;» une proposition logique. Car, sans nous préoccuper de son sens<ref>''Sinn''.</ref> ou de sa signification<ref>''Bedeutung''.</ref>, nous construisons la proposition logique à partir d'autres propositions au moyen de ''règles portant seulement sur les signes''.


La démonstration des propositions logiques consiste en ce que nous l'engendrons à partir d'autres propositions logiques par applications successives d'opérations déterminées, lesquelles produisent toujours de nouvelles tautologies à partir des premières. (Car d'une tautologie ne ''suivent'' que des tautologies.)
La démonstration des propositions logiques consiste en ce que nous l'engendrons à partir d'autres propositions logiques par applications successives d'opérations déterminées, lesquelles produisent toujours de nouvelles tautologies à partir des premières. (Car d'une tautologie ne ''suivent'' que des tautologies.)
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Chaque tautologie montre par elle-même qu'elle est une tautologie.
Chaque tautologie montre par elle-même qu'elle est une tautologie.


'''6.1271''' Il est clair que le nombre des « lois logiques fondamentales » est arbitraire, car on pourrait dériver la logique d'une seule loi fondamentale, par exemple en prenant le produit logique des lois fondamentales de Frege. (Frege dirait peut-être que cette loi fondamentale ne serait plus alors immédiatement évidente. Mais il est remarquable qu'un penseur aussi rigoureux que Frege ait fait appel au degré d'évidence comme critère de la proposition logique.)
'''6.1271''' Il est clair que le nombre des «&nbsp;lois logiques fondamentales&nbsp;» est arbitraire, car on pourrait dériver la logique d'une seule loi fondamentale, par exemple en prenant le produit logique des lois fondamentales de Frege. (Frege dirait peut-être que cette loi fondamentale ne serait plus alors immédiatement évidente. Mais il est remarquable qu'un penseur aussi rigoureux que Frege ait fait appel au degré d'évidence comme critère de la proposition logique.)


'''6.13''' La logique n'est point une théorie, mais une image qui reflète le monde.
'''6.13''' La logique n'est point une théorie, mais une image qui reflète le monde.
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'''6.211''' Dans la vie, ce n'est pas de propositions mathématiques dont nous avons besoin, mais nous usons de la proposition mathématique, pour déduire, de propositions qui n'appartiennent pas à la mathématique, d'autres propositions, qui ne lui appartiennent pas non plus.
'''6.211''' Dans la vie, ce n'est pas de propositions mathématiques dont nous avons besoin, mais nous usons de la proposition mathématique, pour déduire, de propositions qui n'appartiennent pas à la mathématique, d'autres propositions, qui ne lui appartiennent pas non plus.


(En philosophie la question : « À quoi proprement nous sert ce mot, cette proposition? » conduit toujours à des intuitions précieuses.)
(En philosophie la question&nbsp;: «&nbsp;À quoi proprement nous sert ce mot, cette proposition?&nbsp;» conduit toujours à des intuitions précieuses.)


'''6.22''' La logique du monde, que les propositions de la logique montrent dans les tautologies, la mathématique la montre dans les équations.
'''6.22''' La logique du monde, que les propositions de la logique montrent dans les tautologies, la mathématique la montre dans les équations.
Line 1,661: Line 1,661:
'''6.231''' C'est une propriété de l'affirmation que l'on puisse la concevoir comme double négation.
'''6.231''' C'est une propriété de l'affirmation que l'on puisse la concevoir comme double négation.


C'est une propriété de « 1+1+1+1 » que l'on puisse le concevoir comme « (1+1) + (1+1) ».
C'est une propriété de «&nbsp;1+1+1+1&nbsp;» que l'on puisse le concevoir comme «&nbsp;(1+1) + (1+1)&nbsp;».


'''6.232''' Frege dit que les deux expressions ont même signification<ref>''Bedeutung''.</ref>, mais des sens<ref>''Sinn''.</ref> différents.
'''6.232''' Frege dit que les deux expressions ont même signification<ref>''Bedeutung''.</ref>, mais des sens<ref>''Sinn''.</ref> différents.
Line 1,669: Line 1,669:
'''6.2321''' Et que les propositions de la mathématique puissent être démontrées, cela ne veut rien dire d'autre sinon que leur correction est percevable sans que ce qu'elles expriment doive être comparé avec les faits, pour établir sa propre correction.
'''6.2321''' Et que les propositions de la mathématique puissent être démontrées, cela ne veut rien dire d'autre sinon que leur correction est percevable sans que ce qu'elles expriment doive être comparé avec les faits, pour établir sa propre correction.


'''6.2322''' L'identité de signification de deux propositions ne peut faire l'objet d'une ''assertion''. Car pour faire une assertion concernant leur signification, je dois connaître cette signification : et en connaissant cette signification, je sais si elles signifient la même chose ou des choses différentes.
'''6.2322''' L'identité de signification de deux propositions ne peut faire l'objet d'une ''assertion''. Car pour faire une assertion concernant leur signification, je dois connaître cette signification&nbsp;: et en connaissant cette signification, je sais si elles signifient la même chose ou des choses différentes.


'''6.2323''' L'équation ne fait connaître que le point de vue duquel je considère les deux expressions, c'est-à-dire le point de vue de leur égalité de signification.
'''6.2323''' L'équation ne fait connaître que le point de vue duquel je considère les deux expressions, c'est-à-dire le point de vue de leur égalité de signification.
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Les équations en effet expriment la substituabilité de deux expressions, et nous procédons d'un certain nombre d'équations à de nouvelles équations, en substituant, conformément aux équations, des expressions à d'autres.
Les équations en effet expriment la substituabilité de deux expressions, et nous procédons d'un certain nombre d'équations à de nouvelles équations, en substituant, conformément aux équations, des expressions à d'autres.


'''6.241''' Ainsi se formule la démonstration de la proposition 2 × 2 = 4 :
'''6.241''' Ainsi se formule la démonstration de la proposition 2 × 2 = 4&nbsp;:


{{p center|<math>( \Omega^{ \nu} )^{\mu \prime} x = \Omega^{ \nu \times \mu \prime} x \text{ Déf.}</math>}}
{{p center|<math>( \Omega^{ \nu} )^{\mu \prime} x = \Omega^{ \nu \times \mu \prime} x \text{ Déf.}</math>}}
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'''6.32''' La loi de causalité n'est pas une loi, mais la forme d'une loi.
'''6.32''' La loi de causalité n'est pas une loi, mais la forme d'une loi.


'''6.321''' « Loi de causalité » est un nom générique. Et de même que, disons, en mécanique, il y a des principes variationnels – par exemple la loi de moindre action –, de même il y a en physique des lois de causalité, des lois de la forme de la causalité.
'''6.321''' «&nbsp;Loi de causalité&nbsp;» est un nom générique. Et de même que, disons, en mécanique, il y a des principes variationnels – par exemple la loi de moindre action –, de même il y a en physique des lois de causalité, des lois de la forme de la causalité.


'''6.3211''' L'on a en effet eu aussi l'idée qu'il devait y avoir une « loi de moindre action » avant de savoir comment elle se formulait. (Ici, comme toujours, une connaissance a priori se révèle comme étant une connaissance purement logique.)
'''6.3211''' L'on a en effet eu aussi l'idée qu'il devait y avoir une «&nbsp;loi de moindre action&nbsp;» avant de savoir comment elle se formulait. (Ici, comme toujours, une connaissance a priori se révèle comme étant une connaissance purement logique.)


'''6.33''' Nous ne ''croyons'' pas a priori en une loi de conservation, mais nous ''connaissons'' a priori la possibilité d'une forme logique.
'''6.33''' Nous ne ''croyons'' pas a priori en une loi de conservation, mais nous ''connaissons'' a priori la possibilité d'une forme logique.
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'''6.34''' Toutes les propositions du genre du principe de raison suffisante, du principe de continuité de la nature, de moindre dépense dans la nature, etc., etc. sont toutes des vues a priori concernant la mise en forme possible des propositions de la science.
'''6.34''' Toutes les propositions du genre du principe de raison suffisante, du principe de continuité de la nature, de moindre dépense dans la nature, etc., etc. sont toutes des vues a priori concernant la mise en forme possible des propositions de la science.


'''6.341''' La mécanique newtonienne, par exemple, uniformise la description du monde. Figurons-nous une surface blanche, avec des taches noires irrégulières. Nous disons alors : tout ce qui ressort comme image, je puis toujours en donner une description aussi approchée que je veux, en recouvrant la surface d'un quadrillage convenablement fin et en disant de chaque carreau s'il est blanc ou noir. J'aurai ainsi uniformisé la description de la surface. Cette forme unique est arbitraire, car j'aurais pu utiliser avec le même succès un réseau à mailles triangulaires ou hexagonales. Il se peut que la description au moyen d'un réseau à mailles triangulaires soit plus simple; ce qui veut dire que nous pourrions décrire plus exactement la surface au moyen d'un réseau à mailles triangulaires plus grossier qu'avec un quadrillage plus fin (ou inversement), et ainsi de suite. Aux différents réseaux correspondent différents systèmes de description du monde. La mécanique détermine une forme de description du monde en disant : toutes les propositions de la description du monde doivent être obtenues d'une manière donnée à partir d'un certain nombre de propositions données – les axiomes de la mécanique. Ainsi la mécanique fournit-elle les pierres pour la construction de l'édifice de la science et dit : quel que soit l'édifice que tu veux élever, tu dois le construire d'une manière ou d'une autre en assemblant ces pierres et seulement elles.
'''6.341''' La mécanique newtonienne, par exemple, uniformise la description du monde. Figurons-nous une surface blanche, avec des taches noires irrégulières. Nous disons alors&nbsp;: tout ce qui ressort comme image, je puis toujours en donner une description aussi approchée que je veux, en recouvrant la surface d'un quadrillage convenablement fin et en disant de chaque carreau s'il est blanc ou noir. J'aurai ainsi uniformisé la description de la surface. Cette forme unique est arbitraire, car j'aurais pu utiliser avec le même succès un réseau à mailles triangulaires ou hexagonales. Il se peut que la description au moyen d'un réseau à mailles triangulaires soit plus simple; ce qui veut dire que nous pourrions décrire plus exactement la surface au moyen d'un réseau à mailles triangulaires plus grossier qu'avec un quadrillage plus fin (ou inversement), et ainsi de suite. Aux différents réseaux correspondent différents systèmes de description du monde. La mécanique détermine une forme de description du monde en disant&nbsp;: toutes les propositions de la description du monde doivent être obtenues d'une manière donnée à partir d'un certain nombre de propositions données – les axiomes de la mécanique. Ainsi la mécanique fournit-elle les pierres pour la construction de l'édifice de la science et dit&nbsp;: quel que soit l'édifice que tu veux élever, tu dois le construire d'une manière ou d'une autre en assemblant ces pierres et seulement elles.


(De même que l'on peut écrire n'importe quel nombre avec le système des nombres, de même avec le système de la mécanique on peut former n'importe quelle proposition de la physique.)
(De même que l'on peut écrire n'importe quel nombre avec le système des nombres, de même avec le système de la mécanique on peut former n'importe quelle proposition de la physique.)
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Des lois comme le principe de raison suffisante, etc. concernent le réseau, non pas ce que le réseau décrit.
Des lois comme le principe de raison suffisante, etc. concernent le réseau, non pas ce que le réseau décrit.


'''6.36''' S'il y avait une loi de causalité, elle pourrait se formuler : « Il y a des lois de la nature. »
'''6.36''' S'il y avait une loi de causalité, elle pourrait se formuler&nbsp;: «&nbsp;Il y a des lois de la nature.&nbsp;»


Mais à la vérité on ne peut le dire : cela se montre.
Mais à la vérité on ne peut le dire&nbsp;: cela se montre.


'''6.361''' Dans la terminologie de Hertz, on pourrait dire : seules des interdépendances légales sont pensables.
'''6.361''' Dans la terminologie de Hertz, on pourrait dire&nbsp;: seules des interdépendances légales sont pensables.


'''6.3611''' Nous ne pouvons comparer aucun processus au « cours du temps » – qui n'existe pas – mais seulement à un autre processus (par exemple à la marche du chronomètre).
'''6.3611''' Nous ne pouvons comparer aucun processus au «&nbsp;cours du temps&nbsp;» – qui n'existe pas – mais seulement à un autre processus (par exemple à la marche du chronomètre).


C'est pourquoi la description du déroulement temporel n'est possible qu'en se fondant sur un autre processus.
C'est pourquoi la description du déroulement temporel n'est possible qu'en se fondant sur un autre processus.
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'''6.3751''' Que, par exemple, deux couleurs soient ensemble en un même lieu du champ visuel est impossible, et même ''logiquement'' impossible, car c'est la structure logique de la couleur qui l'exclut.
'''6.3751''' Que, par exemple, deux couleurs soient ensemble en un même lieu du champ visuel est impossible, et même ''logiquement'' impossible, car c'est la structure logique de la couleur qui l'exclut.


Réfléchissons à la manière dont cette contradiction<ref>''Widerspruch''.</ref> se présente en physique; à peu près ainsi : une particule ne peut avoir au même instant deux vitesses; c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être au même instant en deux lieux; c'est-à-dire que des particules, en des lieux différents en un seul moment du temps, ne peuvent être identiques.
Réfléchissons à la manière dont cette contradiction<ref>''Widerspruch''.</ref> se présente en physique; à peu près ainsi&nbsp;: une particule ne peut avoir au même instant deux vitesses; c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être au même instant en deux lieux; c'est-à-dire que des particules, en des lieux différents en un seul moment du temps, ne peuvent être identiques.


(Il est clair que le produit logique de deux propositions élémentaires ne peut être ni une tautologie ni une contradiction<ref>''Kontradiktion''.</ref>. Énoncer qu'un point du champ visuel a dans le même temps deux couleurs différentes est une contradiction.)
(Il est clair que le produit logique de deux propositions élémentaires ne peut être ni une tautologie ni une contradiction<ref>''Kontradiktion''.</ref>. Énoncer qu'un point du champ visuel a dans le même temps deux couleurs différentes est une contradiction.)
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'''6.421''' Il est clair que l'éthique ne se laisse pas énoncer. L'éthique est transcendantale. (Éthique et esthétique sont une seule et même chose.)
'''6.421''' Il est clair que l'éthique ne se laisse pas énoncer. L'éthique est transcendantale. (Éthique et esthétique sont une seule et même chose.)


'''6.422''' La première pensée qui vient en posant une loi éthique de la forme : « Tu dois... » est la suivante : et qu'en sera-t-il donc si je ne fais pas ainsi? Il est pourtant clair que l'éthique n'a rien à voir avec le châtiment et la récompense au sens usuel. Cette question touchant les ''conséquences'' d'un acte doit donc être sans importance. Du moins faut-il que ces conséquences ne soient pas des événements. Car la question posée doit malgré tout être par quelque côté correcte. Il doit y avoir, en vérité, une espèce de châtiment et une espèce de récompense éthiques, mais ils doivent se trouver dans l'acte lui-même.
'''6.422''' La première pensée qui vient en posant une loi éthique de la forme&nbsp;: «&nbsp;Tu dois...&nbsp;» est la suivante&nbsp;: et qu'en sera-t-il donc si je ne fais pas ainsi? Il est pourtant clair que l'éthique n'a rien à voir avec le châtiment et la récompense au sens usuel. Cette question touchant les ''conséquences'' d'un acte doit donc être sans importance. Du moins faut-il que ces conséquences ne soient pas des événements. Car la question posée doit malgré tout être par quelque côté correcte. Il doit y avoir, en vérité, une espèce de châtiment et une espèce de récompense éthiques, mais ils doivent se trouver dans l'acte lui-même.


(Et il est clair aussi que la récompense doit être quelque chose d'agréable, le châtiment quelque chose de désagréable.)
(Et il est clair aussi que la récompense doit être quelque chose d'agréable, le châtiment quelque chose de désagréable.)
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'''6.522''' Il y a assurément de l'indicible. Il se montre, c'est le Mystique.
'''6.522''' Il y a assurément de l'indicible. Il se montre, c'est le Mystique.


'''6.53''' La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature – quelque chose qui, par conséquent, n'a rien à faire avec la philosophie –, puis quand quelqu'un d'autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu'il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre – qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné de la philosophie – mais ce serait la seule strictement correcte.
'''6.53''' La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci&nbsp;: ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature – quelque chose qui, par conséquent, n'a rien à faire avec la philosophie –, puis quand quelqu'un d'autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu'il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre – qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné de la philosophie – mais ce serait la seule strictement correcte.


'''6.54''' Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen – en passant sur elles – il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l'échelle après y être monté.)
'''6.54''' Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen – en passant sur elles – il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l'échelle après y être monté.)