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''Faut-il faire précéder d'une préface la traduction du ''Tractatus'' ? L'exemple malheureux de Russell suffirait à nous en dissuader. Rédigée par l'un des philosophes les plus pénétrants de son temps, et apparemment le plus capable de comprendre l'originalité de son cadet, sa préface que l'on lira n'eut pas l'heur, c'est le moins que l'on puisse dire, de plaire à Wittgenstein. Il écrit dans une lettre en allemand du 6 mai 1922, adressée à Russell:'' | ''Faut-il faire précéder d'une préface la traduction du ''Tractatus'' ? L'exemple malheureux de Russell suffirait à nous en dissuader. Rédigée par l'un des philosophes les plus pénétrants de son temps, et apparemment le plus capable de comprendre l'originalité de son cadet, sa préface que l'on lira n'eut pas l'heur, c'est le moins que l'on puisse dire, de plaire à Wittgenstein. Il écrit dans une lettre en allemand du 6 mai 1922, adressée à Russell:'' | ||
<blockquote>Ton Introduction ne sera pas imprimée, et, par conséquent, il est vraisemblable que mon livre ne le sera pas non plus. Car lorsque j'ai eu devant les yeux la traduction allemande de l'Introduction, je n'ai pu alors me résoudre à la laisser imprimer avec mon livre. La finesse de ton style anglais s'était en effet, comme il est naturel, perdue dans la traduction, et ce qui restait n'était que superficialité et incompréhension<ref>Publié dans ''Carnets (1914-1916)'', p. 235, trad. G. Granger, Gallimard, 1971.</ref>... »</blockquote> | <blockquote style="padding-left: 2em;">Ton Introduction ne sera pas imprimée, et, par conséquent, il est vraisemblable que mon livre ne le sera pas non plus. Car lorsque j'ai eu devant les yeux la traduction allemande de l'Introduction, je n'ai pu alors me résoudre à la laisser imprimer avec mon livre. La finesse de ton style anglais s'était en effet, comme il est naturel, perdue dans la traduction, et ce qui restait n'était que superficialité et incompréhension<ref>Publié dans ''Carnets (1914-1916)'', p. 235, trad. G. Granger, Gallimard, 1971.</ref>... »</blockquote> | ||
''Il est permis d'attribuer au souci de ménager quelque peu son ami l'allusion à la « finesse du style anglais » et de retenir surtout la « superficialité et l'incompréhension ». Jugement sévère, mais pas tout à fait inexact comme pourra s'en assurer le lecteur. Avec infiniment moins de talent que Russell mais beaucoup plus de recul, il ne serait sans doute pas impossible d'espérer éviter un désaveu aussi radical – qui ne serait alors il est vrai, de toute façon, que posthume. Le présent traducteur ne s'y risquera pourtant pas, estimant que, malgré sa difficulté et son laconisme, le texte du ''Tractatus'' peut aujourd'hui être présenté dans son orgueilleuse et souveraine nudité.'' | ''Il est permis d'attribuer au souci de ménager quelque peu son ami l'allusion à la « finesse du style anglais » et de retenir surtout la « superficialité et l'incompréhension ». Jugement sévère, mais pas tout à fait inexact comme pourra s'en assurer le lecteur. Avec infiniment moins de talent que Russell mais beaucoup plus de recul, il ne serait sans doute pas impossible d'espérer éviter un désaveu aussi radical – qui ne serait alors il est vrai, de toute façon, que posthume. Le présent traducteur ne s'y risquera pourtant pas, estimant que, malgré sa difficulté et son laconisme, le texte du ''Tractatus'' peut aujourd'hui être présenté dans son orgueilleuse et souveraine nudité.'' |